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cette grande affaire religieuse ils ne firent pas de la religion, mais de la politique.

On a toujours médit des conclaves ; on les a souvent calomniés, Cette fois, en repoussant l’exagération et l’injustice, il faut pourtant, devant un témoignage irrécusable, juger sans crainte, et, si l’on se place à un point de vue religieux, juger sévèrement. Ajoutez donc à ces calculs politiques les calculs personnels, les ambitions, les jalousies : à celui-ci on objecte sa famille, nombreuse et peu riche, qui ne manquerait pas d’accaparer les honneurs et les pouvoirs ; celui-ci est trop jeune, on aime les règnes courts pour en hériter plus vite ; cet autre, (Gerdil) est vieux, il est vrai, et « n’ôte point, dit Consalvi, l’espérance de succéder à ceux qui éprouveraient l’effet de cette faiblesse humaine ; » d’ailleurs, par sa renommée, ses vertus, ses écrits philosophiques, il semble répondre à la circonstance ; mais lors même que l’Autriche ne l’exclurait pas, il ne peut réussir, parce que « sa grande régularité, dit encore Consalvi, pouvait devenir dans l’exercice du gouvernement sévérité et rudesse excessive, » ce qui veut dire, en termes plus clairs, qu’il eût attaqué les abus et tenu compte du mérite. Il signale encore l’ambitieux qui, ne pouvant être pape, veut au moins en faire un, l’intrigant qui entrave tout par « ses artificieuses machinations, sa mauvaise foi et ses cabales. Ferons-nous peser sur la majorité d’une assemblée qui comptait des hommes tels que Chiaramonti, Gonsalvi, Bellisomi, Gerdil et beaucoup d’autres non moins justement estimés, la responsabilité d’un tel abaissement ? Non certes. Ici les hommes sont maîtrisés par les choses ; ils portent sous la pourpre ces plaies de l’église que Pacca nous a déjà révélées. Il y a dans cette solidarité d’éléments contraires qui compose le gouvernement romain, dans les mille intérêts attachés à une institution compliquée et décrépite, dans le train des habitudes, dans le respect des vieillards pour la routine, dans les influences des grandes familles, une force acquise qui entraîne tout, et que l’idée abstraite du mieux ne suffit plus à détourner de sa funeste direction. C’est en s’aidant de cette force que l’ambition et l’intrigue de quelques particuliers s’imposent à une volonté plus générale et meilleure. De même que notre intelligence, entravée plutôt que servie par une organisation pesante et malsaine, se sent trop souvent défaillir et tomber au-dessous de la région idéale quelle voudrait habiter, ainsi la pensée vraie et intime de ces assemblées vénérables qui représentent l’église, alourdie par la masse du corps politique qu’elle traîne après elle, perd sa force naturelle d’ascension, et semble n’aspirer plus qu’à descendre.

Cependant le choix du conclave se trouva bon, précisément parce