Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/457

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui pullulent autour du saint-siège, disparaîtrait. » Et à ceux-ci il applique assez plaisamment ces paroles d’un psaume : « vous avez, Seigneur, multiplié cette race, mais vous n’avez pas augmenté notre joie, multiplicasti gentem, sed non magnificati lœtitiam ! » Que de choses sous ces indications discrètes d’un cardinal ministre ! et, si l’on veut approfondir, que de choses plus graves encore sous cette dernière observation, « qu’on m’aurait plus aucun lieu de craindre (le pouvoir temporel étant supprimé) que les décisions ecclésiastiques fussent jamais influencées par des considérations politiques et matérielles, dont le poids jeté dans la balance aurait pu la faire pencher vers une condescendance excessive ! » Ainsi même « « dans les décisions ecclésiastiques » la politique et la matière auraient été, selon lui, parfois prépondérantes ! Peu de traits, partis des mains les plus hostiles, ont pénétré aussi avant que celui-là.

C’est ainsi que ce ministre, avec une liberté qui d’ailleurs a toujours été plus commune en Italie, où l’on voit de près les hommes et les choses, que dans les autres pays catholiques, où l’on est sous le prestige de l’inconnu, justifiait devant sa conscience, par l’inutilité du pouvoir temporel, les mesures extrêmes qu’il avait prisés dans d’extrêmes difficultés. Si donc il frappa un coup trop hardi au risque de perdre à jamais le domaine politique, c’est qu’il le croyait déjà perdu et n’en avait nul regret. Il avait pensé que la papauté politique devait mourir grandement, pour rappeler au moins dans sa chute la gloire de ses anciens jours. Il avait voulu que l’église, en se dépouillant de cette enveloppe temporaire, déployât toute son âme, afin que le monde comprit qu’elle n’en dépendait point. Cela n’est pas sans grandeur d’avoir pris de si haut même ses fautes.

Maintenant nous pouvons aborder Consalvi, esprit tout autre, avec d’autres tendances, mais qui nous fera par d’autres chemins abouti à la même conclusion.


II

Entre les deux chutes du gouvernement papal, l’une sous le directoire et l’autre sous l’empire, l’état romain, sans recouvrer les trois légations, jouissait néanmoins d’une période de sécurité relative, dont les six meilleures années, de 1800 à 1806, s’écoulèrent sous le premier ministère de Consalvi. Aucun homme n’eût pu se rencontrer plus propre que lui à rétablir le courant du passé en le redressant, à renouer les traditions sans s’y enchaîner, et à remettre l’immobile métropole religieuse, autant que la nature des choses pouvait le permettre, en rapport avec une société profondément modifiée. Son éducation et ses débuts l’avaient préparé d’avance à