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par Schuckburgh en 1776, Pictet et Tralles, Garîini et Plana en 1822, le colonel Corabœuf et le commandant Delcros en 1823, M. Roger de Nyon en 1828.

Essayons de faire comprendre l’importance de ces recherches. Pour mesurer la hauteur d’une montagne, l’observateur a le choix entre deux méthodes, la méthode géométrique et la méthode barométrique. La première, réduite à ses élémens, consiste à mesurer une base, c’est-à-dire une ligne droite d’une longueur convenable, sur un terrain aussi horizontal que possible. Cette baise mesurée, il se place successivement à ses deux extrémités avec un instrument, appelé théodolithe, propre à déterminer en degrés, minutes et secondes la valeur des angles que le sommet de la montagne fait avec la base mesurée. Recommençant des centaines de fois cette opération, il obtient un triangle dont la base mesurée et les deux angles adjacens sont connus : le triangle est donc connu lui-même, et par conséquent la hauteur de la montagne. Une autre méthode consiste à se placer sur une montagne d’une altitude bien déterminée, et à obtenir avec une grande exactitude la différence de hauteur angulaire entre cette station et la montagne dont on veut connaître l’altitude. C’est la méthode employée par Bravais à la cime du Mont-Blanc pour mesurer simultanément l’altitude des sommets principaux visibles du haut de cet observatoire. En apparence, ces deux méthodes semblent d’une rigueur absolue comme la science à laquelle on les a empruntées. Cette rigueur n’est qu’apparente. La ligne qui de l’œil de l’observateur passe à travers la lunette du théodolithe pour aboutir au sommet dont on veut estimer la hauteur n’est point une ligne droite : c’est une ligne courbe, une trajectoire, La courbure de cette trajectoire varie avec la distance, la température, l’humidité et la transparence de l’air, non-seulement tous les jours, mais à toutes les heures de la journée. La position apparente du sommet que l’on vise change à chaque instant : suivant l’état de l’atmosphère, ce sommet semble s’élever, s’abaisser ou se déplacer latéralement. Sans être géomètre, chacun peut s’en assurer. Qu’on braque sur un sommet éloigné une lunette dont l’objectif soit muni de deux fils d’araignée se coupant à angle droit au milieu de la lentille, de façon que la pointe coïncide exactement avec l’entre-croisement des fils : si l’on fixe l’instrument dans cette position, et qu’on vienne mettre l’œil à la lunette une ou deux heures après, on verra que le sommet observé ne coïncidera plus avec l’intersection des fils, mais se sera déplacé. On donne le nom de réfaction terrestre à cette propriété de notre atmosphère de modifier sans cesse la courbure du rayon visuel qui, parti de notre œil, aboutit aux objets éloignés. C’est pour établir une compensation entre ces erreurs que le