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pour les Mavromichalis un rude adversaire à combattre. En effet, Djanetakis, seigneur de Gythium et de Mavrouni, était assez riche pour entretenir, lui aussi, auprès du divan, des agens destinés à déjouer les intrigues de ses adversaires. Il était généreux, populaire, doué d’une haute intelligence, d’une sagesse consommée. Il fallut aux Mavromichalis quinze années de constans efforts pour faire tomber Djanim-Bey, dont la mémoire est encore bénie dans le Magne. Son règne fut une. sorte d’âge d’or pour cette province, et son nom appartiendrait depuis longtemps à l’histoire, s’il eût été appelé à révéler ses grandes qualités sur un théâtre plus vaste.

Après s’être signalé par quelques expéditions heureuses contre les Turcs, Djanim essaya de donner au Magne une impulsion civilisatrice que cette province n’avait jamais reçue, et qui malheureusement ne survécut pas à son règne. Il traça des routes qui, très imparfaites, privées depuis de tout entretien, sont cependant encore les seules à peu près praticables de la contrée ; il répara les pyrgos et les châteaux démantelés dans les précédentes guerres ; il fonda des écoles, et fit renaître dans le district de Gythium la culture du coton, qui avait disparu, et qui, abandonnée de nouveau à l’époque des guerres de l’indépendance, n’a pas encore été activement reprise. Son règne offre l’exemple de ce que pourrait et devrait faire un gouvernement éclairé pour relever ce pays et le lancer dans la voie de la civilisation. Les muses elles-mêmes, qui jusqu’alors n’avaient osé s’aventurer dans ce farouche asile de la liberté, y tentèrent en ce temps-là une timide apparition. La cour de Djanim eut son poète, Nicolas Niphakis, qui consacra huit cents vers à la louange du prince et à la description du pays. Ce poème a été écrit sous l’impression profonde produite dans tout le Magne par deux grandes victoires que Djanim remporta presque simultanément, l’une sur les Turcs, qui, ayant tenté une descente près de Scardamoula, furent rejetés à la mer après avoir subi de grandes pertes, l’autre sur Koumoundourakis, capitaine de Zarnate, qui, secrètement animé par les Mavromichalis, prit les armes, fût atteint près d’Androuvitza et taillé en pièces. Bien que ce poème ne se fasse pas remarquer par les qualités originales qui distinguent la poésie populaire de la Grèce moderne, nous en citerons quelques passages qui sont la peinture très énergique du genre de vie que mènent encore aujourd’hui les Maïnotes. Après un coup d’œil rapidement jeté sur le Taygète, « où les infortunés Spartiates, maintenant appelés Maïnotes, cherchèrent un refuge pour sauver leur vie et leur