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contradiction, laissant ainsi une certaine place à la liberté et par conséquent au mérite, qui ne va pas sans un certain choix du vrai ; très variable, sinon dans son fond, au moins dans ses formes, dans ses procédés, selon les époques diverses dans lesquelles elle se produit ou les classes d’esprits auxquels elle s’adresse, ou le génie personnel de celui qui l’établit. Cela ne veut pas dire, à Dieu ne plaise, que, dans l’ordre des sciences philosophiques, le vrai et je faux soient indifférens, ce qui reviendrait à dire ou qu’il n’y a ni vrai ni faux, ou qu’il n’y a que des approximations lointaines du vrai. Non, certes. Infailliblement il y a du vrai absolu ; la vérité existe, elle nous juge ; nous pouvons, nous devons y atteindre. Ce qui nous manque dans cet ordre de problèmes supérieurs, c’est cette méthode de déduction rigoureuse qui n’est qu’une réduction des propositions à une série d’équations ou d’identités, à l’aide desquelles on a raison des intelligences les plus rebelles. Ici rien de semblable ; aucun moyen d’obtenir ce genre d’évidence sèche et positive qui enlève tout droit, tout prétexte même à la résistance, cette rigueur de raisonnement qui soit irrésistible à la passion, à la mauvaise foi, à certains aveuglemens de nature et de système. Telle nous paraît être l’essence de la vérité métaphysique : elle exige, pour être saisie, les plus rares facultés d’intuition et d’analyse ; mais elle ne s’impose pas comme on impose une propriété du triangle ou un théorème de mécanique. C’est la noblesse de la philosophie d’avoir pour objet des vérités de cet ordre. Au fond, il y a de l’infini en elles, c’est pour cela, qu’elles se montrent réfractaires aux procédés des autres sciences, qu’elles échappent à tous les instrumens de précision. Par quelque côté, elles touchent à l’absolu, et si l’entendement peut les connaître, il ne les domine pas cependant, il est dominé par elles. « Il y a ainsi dans la raison, dit profondément M. de Rémusat dans ses Essais, quelque chose au-delà d’elle ; elle en sait plus qu’elle n’en voit, elle donne plus qu’elle ne possède, et par ses limites mêmes trahit son origine. Celui qui l’exposa sur cette terre a laissé dans son berceau des marques de haute naissance et quelques lettres demi-effacées de la langue qu’il parle et qu’elle ne sait pas. »

Il faut donc renoncer, non à la plus haute et à la plus divine des sciences, mais à l’assimilation impossible de cette science à l’ordre des connaissance, exactes et positives ? dangereuse chimère autorisée par l’illusion de M. Jouffroy. D’une part, s’il s’agit de la vérité psychologique (phénomènes, lois, facultés), tout moyen de notation fixe et régulière fait défaut à l’observateur pour constater son expérience et en transmettre les résultats avec une rigueur qui ne puisse être contestée. D’autre part, s’agit-il de la vérité métaphysique (le problème des origines et des fins, les principes et les