Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

introduite au sérail, le sultan était en proie à une fièvre que la science d’aucun de ses médecins n’avait pu vaincre. La jeune fille s’offrit à le guérir à la condition qu’on lui accorderait, en cas de succès, la grâce qu’elle demanderait. Sa proposition est acceptée ; elle compose un breuvage suivant les formules médicales qu’elle avait apprises dans sa famille, et réussit à sauver l’auguste malade. Comme prix de ce bienfait, elle demande la liberté pour elle-même et pour celui des captifs grecs qu’elle choisira pour époux. On la conduit dans les prisons où gémissaient bon nombre de ses compatriotes ; elle reconnaît tout de suite à sa haute stature, à la noblesse et à la fierté de ses traits, le fils des Mavromichalis, dont elle fait tomber les chaînes, et tous deux, sur l’ordre du sultan, sont reconduits avec honneur dans leur patrie.

Giovanni tient une place considérable non-seulement dans la légende, mais aussi dans l’histoire de son pays. Lorsque les Russes débarquèrent à Vitulo, il était âgé de plus de soixante ans, et portait sur la figure les traces de trois coups de feu reçus dans ses combats contre les Turcs. C’est lui qui conduisit les Maïnotes au siège de Coron conjointement avec Dolgorouki et quatre cents Russes. L’entreprise, mal secondée par la flotte moscovite, entravée par la mésintelligence qui se glissa bien vite entre les Maïnotes et les étrangers, échoua, malgré la molle défense des Turcs. Irrité de cet échec, Dolgorouki reprocha aux Grecs de n’avoir pas emporté la ville d’assaut. « Eh quoi ! lui répondit Mavromichalis avec hauteur, tu oses parler ici en maître, et tu n’es que l’esclave d’une femme. Tu nous fais massacrer, et tu t’abrites derrière nos rangs. Moi, je suis le chef d’un peuple libre, et fussé-je le dernier des citoyens du Magne, ma tête aurait encore plus de prix que la tienne. » Lorsque les Russes reprirent le chemin du Magne pour regagner leurs vaisseaux, Mavromichalis eut la générosité de sacrifier sa troupe pour protéger leur retraite. Pendant trois jours, il eut à faire face à un ennemi dix fois supérieur en nombre. Chaque combat éclaircissait