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soigneusement appareillées qui ont défié l’effort de vingt-cinq siècles. L’émissaire qui maintient le niveau du lac d’Albano est intact, il sert encore, et les Romains l’ont creusé et revêtu de larges assises au temps de leur plus grande pauvreté, pendant leur lutte désespérée contre Véies. C’est l’austère Caton qui dépensa, étant censeur, près de 6 millions pour la construction et la réparation des cloaques. Dix ans après, l’an 580 de Rome, ce travail est repris par Fulvius Flaccus, de sorte qu’il ne restera au gendre d’Auguste qu’à construire les cloaques du quartier du Panthéon. C’est encore la république qui jette les eaux du lac Vélinus dans le Nar (est-il nécessaire de vanter la cascade de Terni ?), qui dessèche les marais qui s’étendaient entre Parme et Plaisance, qui assainit les marais Pontins, ce fléau sans cesse renaissant de la campagne de Rome. Les Grecs ne manquaient point de marais ; mais ont-ils jamais songé à faire ce qu’a fait Appius Claudius dès l’an de Rome 442 ? Un grand canal ouvre un passage aux eaux jusqu’à la mer ; une chaussée assure la solidité de la voie Appia ; des ponts multipliés ouvrent un passage aux torrens qui se précipitent des montagnes ; trente lieues carrées sont rendues au pâturage et à la culture ; trente-trois villes, que Pline nous cite, respirent et cessent d’être décimées par la fièvre. César, Auguste et Pie VI ne pourront rien faire de mieux que d’imiter le vieil Appius. Nous-mêmes, si nous voulons comprendre la difficulté de semblables entreprises, nous considérerons les Landes et notre impuissance à les reconquérir d’un seul coup sur les eaux.

Les aqueducs ont amené et amènent encore aujourd’hui à Rome les eaux les plus abondantes et les plus belles du monde ; mais, lorsque le voyageur admire le volume des fontaines jaillissantes ou cette longue suite d’arcs mutilés qui font une des parures de la campagne de Rome, s’informe-t-il de leur date ? Ne les croit-il pas plus récens qu’ils ne le sont ? n’en rapporte-t-il pas l’honneur à la magnificence impériale ? Et cependant, sur neuf aqueducs qui existaient anciennement, cinq dataient de la république. Dès l’an 442, l’aqueduc de la porte Capène était construit ; dès l’an 482, Papirius Cursor et Curius Dentatus allaient détourner l’Anio, à vingt milles au-dessus de Tibur, pour l’amener auprès de la porte Majeure, où l’on voit encore des restes de ce grand ouvrage : le canal, en blocs de pépérin, est engorgé de dépôts. Plus tard, Marcius Rex va chercher sur la voie Valéria, au trente-troisième mille, l’eau qui gardera son nom (aqua Marcia), et qu’il supporte par soixante mille pas de constructions ; sept mille quatre cent quarante-sept pas sont des arcades élégantes, qui aboutissent aujourd’hui près de la porte Majeure. En 629, les censeurs détournent, au onzième mille sur la voie Latine, la source qu’on appelait agita Tepula, et, pour l’élever jusqu’au