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costumes des magistrats et pompe triomphale, jeux publics, festins, industrie, tout atteste les efforts des Romains pour imiter les Étrusques, ou, si l’on veut, leur impuissance à résister au courant d’une civilisation supérieure. L’art présente les mêmes indices, et les faits prouvent assez que les républicains, loin de répudier les grands travaux des rois, les continuèrent et s’en firent honneur. Les patriciens, du reste, s’étaient partagé le pouvoir royal, et jusqu’à ses insignes. Le temple de Jupiter Capitolin, construit sous deux règnes, fut achevé pendant les premières années de la république. Aussitôt un débat s’éleva entre les consuls, Horatius Pulvillus et Valérius Publicola, chacun réclamant la gloire de présider à la consécration. Valérius était absent ; sa famille et ses cliens prirent son parti ; toute la ville fut en émoi, et rien ne prouve mieux que le souvenir des Tarquins ne faisait haïr ni les monumens qu’ils avaient élevés ni l’art étrusque. Les cloaques ne parurent point non plus si odieuses et si indignes d’être imitées, puisque dès la fin du premier siècle de la république on construit l’émissaire d’Albano, cet admirable souterrain voûté qui traverse la montagne et sert encore à l’écoulement des eaux du lac. Des artistes étrusques bâtirent la maison de Valérius Publicola ; or ce ne fut point la beauté de ce palais qui excita les soupçons du peuple, mais sa situation sur le Palatin : on craignait qu’il ne se transformât en forteresse, et ne facilitât un coup de main contre la liberté. La sculpture non plus ne fut point proscrite : la louve de bronze du Capitole, le buste de Brutus, quelle qu’en soit la date, montrent l’importance et le style purement étrusque des œuvres commandées officiellement. Les images des ancêtres, qui remplissaient l’atrium des familles nobles et qu’on multipliait religieusement, supposent un développement continu de la plastique. L’industrie suivait l’art, ou plutôt elle le précédait. Les mœurs républicaines n’étaient point aussi attachées à la pauvreté que l’ont prétendu plus tard les moralistes, qui vantaient le passé pour condamner le présent. Les dames romaines étaient couvertes de bijoux qui furent, dans les crises suprêmes, d’un grand secours pour le trésor public. Camille trouva sans peine 1,000 livres pesant d’or pour éloigner les Gaulois. Il ne faut pas oublier que la rue des Toscans (Tuscus vicus) était une des plus fréquentées de Rome, qu’elle était au pied du Capitole et du Palatin, que les artistes étrusques y vivaient nombreux et riches, que la faveur publique les protégeait, orfèvres, potiers, fabricans de bronze ou sculpteurs, marchands d’armes ou de miroirs, de candélabres ou de trompettes. Là aussi se rencontraient les belles courtisanes venues d’Étrurie, que la sévérité des mœurs républicaines ne chassait point de la ville, à ce qu’il paraît. Enfin on ne peut qu’être frappé du témoignage de