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historien, a eu entre les mains une pièce que Tite-Live avait ignorée, ou qu’il n’avait osé publier. Après l’incendie du Capitole. Vespasien reconstitua les archives, qui avaient péri, en réunissant les documens dispersés ou cachés dans toute l’Italie. Tacite connut alors le véritable traité de Porsenna : c’est pourquoi, en déplorant la destruction du Capitole par la faction de Vitellius, il s’indigne et s’écrie que jamais une semblable profanation n’avait été commise, ni lorsque les Gaulois s’étaient emparés de la ville, ni lorsque Rome s’était rendue à Porsenna.

En effet, qu’on rapproche dans le second livre de Tite-Live et dans le cinquième de Denys d’Halicarnasse le récit des négociations avec le lars de Clusium, la vente fictive de ses biens, sa générosité envers les Romains, les soins merveilleux dont les Romains entourent son armée, la nomination de deux dictateurs, à cinq ans d’intervalle, qui s’appelaient lars ou lartius, titre propre aux Étrusques ; qu’on oppose les témoignages contradictoires des Romains et leurs commentaires embarrassés, et l’on ne doutera plus de la prise de Rome par les Étrusques. Ils ne pouvaient souffrir à aucun prix que les communications fussent interrompues entre les deux confédérations du centre et du sud de la péninsule. Ce résultat obtenu, ils firent bon marché des Tarquins ; après avoir désarmé Rome, ils la traitèrent avec douceur : ils lui laissèrent sa constitution intérieure et ses libertés civiles, en assurant leur suprématie, leur droit de passage, et en resserrant le lien fédéral.

C’est pourquoi, dès le premier siècle de la république, les relations de Rome avec l’Étrurie furent, non pas rompues, mais aussi fréquentes que jamais. Les pontifes aussi bien que les hommes d’état gagnaient à ce commerce et recherchaient les leçons de leurs voisins, plus civilisés et habiles dans l’art de se concilier la faveur des dieux. On envoyait chaque année de jeunes patriciens, appartenant aux premières familles, résider à Cœré, afin d’y apprendre la langue et les rites étrusques. Ces relations expliquent l’ardeur avec laquelle les Romains secoururent Clusium menacé par les Gaulois ; elles expliquent pourquoi ils confièrent leurs femmes, leurs enfans et leurs dieux, c’est-à-dire ce qu’ils avaient de plus précieux, aux habitans de Cœré, lorsque la défaite de l’Allia les réduisit à abandonner Rome. Au lieu de s’adresser à quelque peuple des montagnes ou à une colonie grecque, ils ne virent point d’amis plus sûrs que les Étrusques, et dans la détresse, leur première pensée fut pour eux.

Plus on étudie les détails de la vie romaine pendant les premiers siècles de la république, plus on y sent les emprunts faits à l’Étrurie : religion, sacrifices, collèges de devins, culte des lares,