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l’Amérique du Nord, pendant la guerre civile, la politique qui nous était indiquée par nos traditions, par les principes de la révolution française et par nos intérêts. Inconséquence étrange ! la politique du gouvernement ayant deux partis en face, le parti de l’union et le parti de la séparation, le nord et le sud, a laissé voir une préférence morale pour la cause des confédérés, celle qui est naturellement hostile à l’entreprise mexicaine. Nous avons toujours cru que les états du nord ne nous inquiéteront point dans le Mexique. Le Mexique est trop loin d’eux ; les états du nord n’ont pas l’humeur conquérante, et s’ils avaient envie de s’agrandir par la guerre, ce qui nous paraît fort douteux malgré les déclamations de la presse américaine contre l’Angleterre, c’est au Canada qu’ils penseraient, et nullement au Mexique. Il n’en est point ainsi des états du sud. Les populations du sud ont toujours été portées aux aventures extérieures ; c’est de leur sein et avec leurs subsides que partaient ces expéditions de flibustiers qui pendant plusieurs années se sont élancées centre Cuba et le Nicaragua. La guerre que les États-Unis firent au Mexique avait été excitée par le sud. Le président qui gouvernait alors était M. Polk, un homme du sud. La guerre finie, il voulut annexer le Mexique aux États-Unis, et il fallut pour l’en empêcher toute la résistance de ses deux plus importans ministres, M. Buchanan et M. Marcy. Le danger que nous pourrions courir aujourd’hui, et que nous aurions infailliblement prévenu par une politique moralement sympathique à la cause de l’Union, ce serait qu’afin de hâter la réconciliation des deux sections de la république, le gouvernement américain se laissât aller, pour flatter les aspirations naturelles et l’amour-propre militaire des populations du sud, à leur accorder la diversion et le fruit d’une guerre extérieure qui serait dans le courant de leur expansion et de leur ambition naturelles. Nous espérons que le gouvernement américain saura résister à une tentative semblable ; mais il n’est plus permis de regarder comme une hypothèse absolument chimérique les desseins que les états du sud peuvent nourrir contre l’entreprise mexicaine.

On connaît en effet aujourd’hui quelles étaient les espérances du gouvernement des états confédérés dans la tentative de négociation officieuse et préparatoire qu’ils ont faite auprès de M. Lincoln. Évidemment les états confédérés ont besoin de la paix, et au fond ils la veulent. Les commissaires envoyés par M. Jefferson Davis étaient les personnages les moins compromis dans la politique sécessioniste ; M. Stephens, le vice-président, s’était avant la guerre prononcé contre la séparation dans la convention de la Géorgie ; M. Hunter avait, jusqu’au dernier moment, proposé des transactions. Les confédérés, croyons-nous, veulent la paix ; une lettre du général Grant à M. Lincoln atteste la sincérité des dispositions pacifiques des commissaires du sud. Seulement, tout en désirant une prompte réconciliation qui, dans leur pensée, devait, avec le temps, amener le rétablissement de l’Union, les chefs confédérés, dans ces premiers tâtonnemens et