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surexcitation fonctionnelle en harmonie avec la nature de l’influence nerveuse qui l’a déterminée. Dans l’émotion, il y a toujours une impression initiale qui surprend en quelque sorte et arrête très légèrement le cœur, et par suite une faible secousse cérébrale qui amène une pâleur fugace ; aussitôt le cœur, comme un animal piqué par un aiguillon, réagit, accélère ses mouvemens et envoie le sang à plein calibre par l’aorte et par toutes les artères. Le cerveau, le plus sensible de tous les organes, éprouve immédiatement et avant tous les autres les effets de cette modification circulatoire. Le cerveau a été sans doute le point de départ de l’impression nerveuse sensitive ; mais par l’action réflexe sur les nerfs moteurs du cœur l’influence sensitive a provoqué dans le cerveau les conditions qui viennent se lier à Ta manifestation du sentiment.

En résumé, chez l’homme, le cœur est le plus sensible des organes de la vie végétative ; il reçoit le premier de tous l’influence nerveuse cérébrale. Le cerveau est le plus sensible des organes de la vie animale ; il reçoit le premier de tous l’influence de la circulation du sang. De là résulte que ces deux organes culminans de la machine vivante sont dans des rapports incessans d’action et de réaction. Le cœur et le cerveau se trouvent dès lors dans une solidarité d’actions réciproques des plus intimes, qui se multiplient et se resserrent d’autant plus que l’organisme devient plus développé et plus délicat. Ces rapports peuvent être constans ou passagers, varier avec le sexe et avec l’âge. C’est ainsi qu’à l’époque de la puberté, lorsque des organes, jusqu’alors restés inertes ou engourdis, s’éveillent et se développent, des sentimens nouveaux prennent naissance dans le cerveau et apportent au cœur des impressions nouvelles. Les sentimens que nous éprouvons sont toujours accompagnés par des actions réflexes du cœur ; c’est du cœur que viennent les conditions de manifestation des sentimens, quoique le cerveau en soit le siège exclusif. Dans les organismes élevés, la vie n’est qu’un échange continuel entre le système sanguin et le système nerveux. L’expression de nos sentimens se fait par un échange entre le cœur et le cerveau, les deux rouages les plus parfaits de la machine vivante. Cet échange se réalise par des relations anatomiques très connues, par les nerfs pneumo-gastriques qui portent les influences nerveuses au cœur, et par les artères carotides et vertébrales qui apportent le sang au cerveau. Tout ce mécanisme merveilleux ne tient donc qu’à un fil, et si les nerfs qui unissent le cœur au cerveau venaient à être détruits, cette réciprocité d’action serait interrompue, et la manifestation de nos sentimens profondément troublée. Toutes ces explications, me dira-t-on, sont bien empreintes de matérialisme. À cela je répondrai que ce n’est pas ici la question. Si ce n’était m’écarter du but de ces recherches, je pourrais montrer facilement qu’en