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qui se traduisent, comme nous allons le voir bientôt, tantôt par une émotion, tantôt par une syncope. Les phénomènes physiologiques suivent partout une loi identique, mais la nature plus ou moins délicate de l’organisme vivant peut leur donner une expression toute différente. Ainsi la loi de réaction du cœur sur le cerveau est la même chez la grenouille et chez l’homme ; cependant jamais la grenouille ne pourra éprouver une émotion ni une syncope, parce que le temps qu’il faut à son cœur pour ressentir l’influence nerveuse, et à son cerveau pour éprouver l’influence circulatoire, est si long que la relation physiologique entre les deux organes disparaît.

Chez l’homme, l’influence du cœur sur le cerveau se traduit par deux états principaux entre lesquels, on peut supposer beaucoup d’intermédiaires : la syncope et l’émotion. La syncope est due à la cessation momentanée des fonctions cérébrales par cessation de l’arrivée du sang artériel dans le cerveau. On pourrait produire la syncope en liant ou en comprimant directement toutes les artères qui vont au cerveau ; mais ici nous ne nous occupons que de la syncope qui survient par une influence sensitive portée sur le cœur, et assez énergique pour arrêter ses mouvemens. L’arrêt du cœur qui produit la perte de connaissance en privant le cerveau du sang amène aussi la pâleur des traits et une foule d’autres effets accessoires dont il ne peut être question ici. Toutes les impressions sensitives énergiques et subites sont dans le cas d’amener la syncope, quelle qu’en soit d’ailleurs la nature. Des impressions physiques sur les nerfs sensitifs ou des impressions morales, des sensations douloureuses ou des sensations de volupté, conduisent au même résultat et amènent l’arrêt du cœur. La durée de la syncope est naturellement liée à la durée de l’arrêt du cœur. Plus l’arrêt a été intense, plus en général la syncope se prolonge, et plus difficilement se rétablissent les battemens cardiaques, qui d’abord reviennent irrégulièrement pour ne reprendre que lentement leur rhythme normal. Quelquefois l’arrêt du cœur est définitif et la syncope mortelle ; chez les individus faibles et en même temps très sensibles, cela peut arriver. On a constaté expérimentalement que, sur des colombes épuisées par l’inanition, il suffit parfois de produire une douleur vive, en pinçant un nerf de sentiment, pour amener un arrêt du cœur définitif et une syncope mortelle.

L’émotion dérive du même mécanisme physiologique que la syncope, mais elle a une manifestation bien différente. La syncope, qui enlève le sang au cerveau, donne une expression négative, en prouvant seulement qu’une impression nerveuse violente est allée se réfléchir sur le cœur pour revenir frapper le cerveau. L’émotion au contraire, qui envoie au cerveau une circulation plus active, donne une expression positive, en ce sens que l’organe cérébral reçoit une