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Nos expériences directes sur l’excitation des nerfs pneumogastriques nous ont montré que le cœur est d’autant plus prompt à recevoir l’impression nerveuse et à s’arrêter que l’animal est plus sensible ; il en est de même pour les réactions des nerfs de la sensibilité sur le cœur. Chez la grenouille, on n’arrête pas le cœur en pinçant la peau : il faut des actions beaucoup plus énergiques ; mais chez des animaux élevés, chez certaines races de chiens par exemple, les moindres excitations des nerfs sensitifs retentissent sur le cœur. Si l’on place un hémomètre sur l’artère de l’un de ces animaux afin d’avoir sous les yeux par l’oscillation de la colonne mercurielle l’expression des battemens du cœur, on constate qu’au moment où l’on excite rapidement un nerf sensitif il y a arrêt du cœur en diastole, ce qui détermine une suspension de l’oscillation avec abaissement léger de la colonne mercurielle. Aussitôt après, les battemens reparaissent, considérablement accélérés et plus énergiques, car le mercure s’élève quelquefois de plusieurs centimètres pour redescendre à son point primitif lorsque le cœur calmé a repris son rhythme normal. Le cœur est quelquefois si sensible chez certains animaux que des excitations très légères des nerfs sensitifs peuvent amener des réactions, lors même que l’animal ne manifeste aucun signe de douleur. Ce sont là des expériences que nous avons faites, mon maître Magendie et moi, il y a bien longtemps, et qui depuis ont été souvent répétées et vérifiées par des procédés divers.

À mesure que l’organisation animale s’élève, le cœur devient donc un réactif de plus en plus délicat pour trahir les impressions sensitives qui se passent dans le corps, et il est naturel de penser que l’homme doit être au premier rang sous ce rapport. Chez lui, le cœur n’est plus seulement l’organe central de la circulation du sang, mais il est devenu en outre un centre où viennent retentir toutes les actions nerveuses sensitives. Les influences nerveuses qui réagissent sur le cœur arrivent soit de la périphérie par le système cérébro-spinal, soit des organes intérieurs par le grand sympathique, soit du centre cérébral lui-même, car au point de vue physiologique il faut considérer le cerveau comme la surface nerveuse la plus délicate de toutes : d’où il résulte que les actions sensitives qui proviennent de cette source sont celles qui exerceront sur le cœur les influences les plus énergiques.


IV.

Comment est-il possible de concevoir le mécanisme physiologique à l’aide duquel le cœur se lie aux manifestations de nos sentimens ? Nous savons que cet organe peut recevoir le contre-coup