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tradiction. La vérité ne saurait différer d’elle-même, et la vérité du savant ne saurait contredire la vérité de l’artiste. Je crois au contraire que la science qui coule de source pure deviendra lumineuse pour tous, et que partout la science et l’art doivent se donner la main en s’interprétant et en s’expliquant l’un par l’autre. Je pense enfin que, dans leurs régions élevées, les connaissances humaines forment une atmosphère commune à toutes les intelligences cultivées, dans laquelle l’homme du monde, l’artiste et le savant doivent nécessairement se rencontrer et se comprendre.

Dans ce qui va suivre, je ne chercherai donc pas à nier systématiquement au nom de la science tout ce que l’on a pu dire au nom de l’art sur le cœur comme organe destiné à exprimer nos sentimens et nos affections. Je désirerais au contraire, si j’ose ainsi dire, pouvoir affirmer l’art par la science en essayant d’expliquer par la physiologie ce qui n’a été jusqu’à présent qu’une simple intuition de l’esprit. Je forme, je le sais, une entreprise très difficile, peut-être même téméraire, à cause de l’état actuel encore si peu avancé de la science des phénomènes de la vie. Cependant la beauté de la question et les lueurs que la physiologie me semble déjà pouvoir y jeter, tout cela me détermine et m’encourage. Il ne s’agira pas d’ailleurs de parler ici de la physiologie du cœur en entrant dans tous les détails d’une étude analytique expérimentale complète et impossible pour le moment : c’est une simple tentative, et il me suffira d’exprimer mes idées physiologiques en les appuyant par les faits les plus clairs et les plus précis de la science. J’envisagerai ainsi la physiologie du cœur d’une manière générale, mais en m’attachant plus particulièrement aux points qui me semblent propres à éclairer la physiologie du cœur de l’homme.


I.

Avant tout, le cœur est une machine motrice vivante, une véritable pompe foulante destinée à distribuer le fluide nourricier et excitateur des fonctions à tous les organes de notre corps. Ce rôle mécanique caractérise le cœur d’une manière absolue, et partout où le cœur existe, quel que soit le degré de simplicité ou de complication qu’il présente dans la série animale, il accomplit constamment et nécessairement cette fonction d’irrigateur organique.

Pour un anatomiste pur, le cœur de l’homme est un viscère, c’est-à-dire un des organes qui font partie des appareils de nutrition situés dans les cavités splanchniques. Tout le monde sait que le cœur est placé dans la poitrine, entre les deux poumons, qu’il a la forme d’un cône dont la base est fixée par de gros vaisseaux