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ouverts par les traités, étaient les agens des grandes maisons commerciales, des comptoirs de la Chine et des Indes. Si la nature de leurs opérations put parfois paraître singulière, cela s’explique par les entraves sans nombre que l’autorité indigène introduisit dès l’origine dans les transactions. En cherchant à réduire à des proportions ridicules le véritable commerce, celui qui devait porter sur les productions principales du pays, la soie, le thé, le coton[1], elle amena par exemple les négocians japonais à vendre la monnaie d’or aux étrangers. Cette transaction, qu’autorisent d’ailleurs les lois du commerce international, prit un grand développement jusqu’au jour où le gouvernement japonais la prohiba sous les peines les plus sévères. C’était là une première infraction aux traités conclus. Pourquoi, en les signant, le taïkoun n’avait-il pas formulé sa réserve relativement à une opération qui menaçait de troubler l’état financier du pays[2] ?

  1. Quelques chiffres groupés en tableau donneront une idée exacte du commerce d’exportation du Japon depuis l’ouverture de ce pays. La saison représente dans ce tableau le temps écoulé du 1er juillet d’une année au 30 juin de l’année suivante, et correspond aux produits d’une même récolte : <br. >
    Saison Quantités exportés du port de Yokohama en « «
    Thé Coton Soie
    Livres anglaises Balles Balles
    1861-62 5,847,133 « 11,915
    1862-63 5,796,388 9,645 25,891
    1863-64 5,318,123 72,893 15,931


    Le thé est un article d’importance secondaire ; de qualité très inférieure à celle du thé chinois, il ne se consomme qu’en Amérique. Le coton a dû sa faveur à la réduction des autres affaires et aux conséquences de la guerre d’Amérique. Quant à la soie, chaque balle revenant, achetée sur les lieux, à près de 3,000 francs, on arrive, pour la saison 1862-63, au chiffre de 75 millions pour ce seul article. Une grande partie de la soie exportée est destinée à notre industrie lyonnaise, qui la reçoit directement par les paquebots de Marseille ou par l’intermédiaire des marchés anglais. La balle de soie, qui se payait au début de 250 à 280 piastres, coûte aujourd’hui de 650 à 680 piastres. Il faut attribuer ce fait, non pas aux droits imposés par le gouvernement local, mais à l’excessive demande du commerce étranger, qui devait bien vite équilibrer les tarifs des marchés japonais avec ceux des marchés d’Europe. L’énorme bénéfice réalisé par les indigènes est en grande partie absorbé par le gouvernement japonais, qui a prohibé la circulation de la monnaie étrangère dans l’intérieur du pays, et qui achète à ses marchands leurs piastres pour les deux tiers environ de la valeur intrinsèque, suivant un taux qu’il fixe chaque jour arbitrairement.

  2. L’or existe en assez grande quantité au Japon, et la valeur de ce métal, comparée à celle de l’argent, est notablement inférieure à ce qu’elle est chez les autres peuples. La monnaie d’or y est peu employée dans les transactions ordinaires ; c’est une espèce