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et se portent sur le village et l’édifice à terrasse ; les Japonais s’enfuient devant l’élan de nos hommes et se réfugient sous les bois au fond du vallon, n’osant pas se montrer à découvert et continuant un léger feu de tirailleurs. Une épaisse fumée, signe précurseur de l’incendie, s’élève sur différens points du village.

Le Tancrède, qui vient de mouiller plus loin dans le détroit, nous avertit vers une heure que des colonnes de troupes arrivant de Simonoseki se portent rapidement, par la route latérale à la mer, sur le vallon où se passe l’action. Nous les apercevons bientôt : on voit briller leurs armes, lances ou fusils ; on distingue des cavaliers. Le tout forme un long ruban qui serpente sur plusieurs kilomètres, caché à certains momens derrière la verdure, puis reparaissant un peu plus loin. La route, là où elle est bordée de maisons, forme une large chaussée à découvert le long de la mer. Le Tancrède et la Sémiramis la balaient aussitôt de leurs boulets. On voit les Japonais, rapidement désorganisés, se retirer en arrière ou se jeter de côté sous les bois. La tête de leur colonne est parvenue au mamelon qui se dresse en avant de la rizière où sont engagés nos hommes. À ce moment, arrêtés par le feu de nos vaisseaux, les Japonais cessent d’avancer, forment précipitamment une barricade en travers de la route, et, cachés derrière cet abri, envoient quelques décharges de mousqueterie aux chaloupes de débarquement. Celles-ci ripostent avec leurs obus et reviennent ensuite sous la batterie.

À deux heures de l’après-midi, on tirait encore quelques coups de fusil au fond du vallon. Tandis que nos hommes ralliaient la batterie, les affûts des pièces étaient en pleine combustion ; les deux villages brûlaient au milieu d’une épaisse fumée. Une demi-heure plus tard, pendant que les troupes se rembarquaient dans les canots, le grand édifice à terrasse blanche faisait subitement explosion, lançant dans les airs une immense colonne de feu et de débris. À trois heures, les combattans rentraient à bord. Le commandant du Quilio fit son rapport, chaque officier racontait ses impressions et les incidens de l’affaire. Ces impressions, ces incidens pouvaient se résumer en quelques mots. Une fois débarquées, les trois colonnes avaient rencontré dans les bois de petits groupes de fantassins japonais qui fuyaient en déchargeant leurs armes ; les balles et les baïonnettes en avaient atteint un certain nombre. Tandis que les chasseurs, balayaient le mamelon et redescendaient le versant opposé, les marins arrivaient sur la batterie ; celle-ci était déserte. Les cinq pièces qui l’armaient, toutes en bronze, du calibre de 24, étaient parfaitement installées sur affûts de côte avec plates-formes à pivot. L’une d’elles avait été précipitée de sa plate-forme par l’un