Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/116

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Jaurès et Kuper pour offrir leur appui au taïkoun et l’aider à triompher d’un parti dont les tyranniques exigences l’obligeaient à la violation des traités. Un nouveau délai, durant lequel le statu quo serait maintenu, fut accordé au gouvernement de Yédo. Le 25 mai avait lieu à la légation britannique de Yokohama une conférence entre l’envoyé du gorodjo, revenu de la capitale, où il était allé chercher la réponse du taïkoun, et les ministres d’Angleterre et de France ; les deux amiraux y assistèrent.

La diplomatie japonaise est toute de temporisation et de duplicité. Éludant les questions catégoriques, elle profite de la différence des langues, des lenteurs de la traduction, du moindre mot conciliant ; pour se ménager par des biais des occasions de retraite facile. Aussi les conférences avec les représentans de ce pays sont-elles longues, pénibles et généralement peu concluantes. Cette fois, au bout de quelques heures, les nombreuses et diffuses allégations de l’envoyé pouvaient se résumer ainsi : d’abord, en ce qui concernait la proposition d’un appui matériel prêté par la France et l’Angleterre contre les daïmios révoltés, il répondait que le taïkoun n’était point encore décidé à réprimer par la force une rébellion sur laquelle il n’était pas pleinement édifié. Quant au paiement de l’indemnité réclamée par les deux puissances européennes, il ne pouvait être réglé qu’après le retour du taïkoun à Yédo ; d’ici là, l’exécution d’une pareille mesure offrirait de graves inconvéniens ; elle pourrait exciter des troubles, et les agens du parti hostile aux étrangers, les lonines qui entouraient le mikado, profitant de l’absence du taïkoun, chercheraient à renverser son gouvernement au profit d’un prince résolu à expulser les Européens.

L’envoyé du gorodjo, pour atténuer l’effet de réponses qui équivalaient à un ajournement indéfini, proposait, comme satisfaction immédiate, un paiement indirect et clandestin : les Japonais cesseraient par exemple de percevoir pendant quelque temps les droits de douane. Ce moyen terme fut repoussé par le ministre de France et par l’amiral Jaurès, qui se retirèrent d’un débat désormais sans objet pour eux ; mais le colonel Neal eut la faiblesse d’agréer la proposition au nom de l’Angleterre, et il promit de garder le secret sur cette étrange opération. C’était tout ce que demandait le gouvernement de Yédo, qui pouvait dès lors se vanter par tout le pays d’avoir rejeté les demandes de la Grande-Bretagne sans que celle-ci eût osé recourir à la force ; aux yeux des Japonais, les derniers attentats contre les étrangers restaient impunis. Qu’importait dès lors le paiement de quelques mille livres ? La conférence fut close sur cet arrangement, et l’envoyé repartit pour Yédo.

Cependant le gouvernement japonais poursuivait son œuvre avec