Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/1063

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fut de remplacer le pouvoir arbitraire par l’autorité de la loi, que la première inspiration en un mot de la révolution fut essentiellement libérale. Quand donc nous demandons aujourd’hui au gouvernement de renoncer, à l’égard de la presse et dans l’application des droits de réunion et d’association à la liberté électorale, à des prérogatives arbitraires qui sont incompatibles avec la liberté régulière et permanente, nous ne faisons que céder aux premières et plus pures impulsions de la révolution française ; nous avons avec nous la force quelquefois latente, mais à la fin toujours irrésistible de cette révolution. Cette position est très forte, et le langage des orateurs du gouvernement n’est point de nature à l’affaiblir. Ce langage est parfois rude et impérieux dans la forme ; mais au fond il manque de fierté. Ramené aux conclusions pratiques, il semble dire que la liberté de la presse et la liberté électorale menaceraient le gouvernement dans la sécurité de son existence. Une telle argumentation n’est point l’expression de la véritable force, et le gouvernement doit avoir assez bonne opinion de lui-même pour qu’il ne lui répugne point de l’employer trop souvent et trop longtemps. La question entre la liberté et le pouvoir a donc été bien posée cette année ; notre devoir est de la maintenir avec fermeté dans les mêmes termes et d’attendre avec confiance que les progrès de la raison publique et le reflux des événemens en décident la solution définitive en notre faveur.

Il y a peu de chose à dire des débats sur l’instruction primaire et sur les rapports de l’église et de l’état. La question de l’instruction obligatoire a pénétré depuis bien peu de temps dans l’enceinte législative, l’opinion publique ne s’en est elle-même préoccupée que très récemment. Ce vaste projet de l’instruction obligatoire n’est donc point mûri encore, ou du moins les esprits n’y ont point été suffisamment préparés. Les questions d’instruction, on le sait d’ailleurs, sont liées étroitement aux questions religieuses. L’incertitude qui règne parmi nous depuis la convention du 15 septembre et l’encyclique sur les questions religieuses nuit pour le moment à l’examen calme et impartial d’un système qui assurerait impérieusement à tous les citoyens le bienfait de l’instruction primaire. Avant d’en venir au surplus au régime de la coercition en matière d’instruction, ne serait-il pas nécessaire d’avoir épuisé tous les efforts de la liberté, et ne serait-ce point une marche naturelle que d’offrir l’instruction gratuite avant de chercher à la rendre obligatoire ? Quant à nous, qui n’avons point de parti-pris contre un système qui nous arrive avec la sanction d’une expérience heureusement accomplie en d’autres pays, nous souhaitons cependant que ce système soit accepté avec conviction par l’opinion publique, au lieu de lui être imposé comme une brusque surprise. Dans tous les cas, nous applaudissons aux efforts généreux des partisans de l’instruction obligatoire, à ceux surtout de M. Jules Simon, qui est plus capable que personne de gagner l’opinion publique à cette cause.