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Volpicella[1]. Enfin en dehors de cette école plusieurs groupes s’étaient formés ; les travaux archéologiques, les études économiques rapprochaient quelques hommes, parmi lesquels apparaissaient avec un certain éclat Giovanni Manna et Antonio Scialoia. Il y eut dès lors un véritable mouvement littéraire, et par conséquent une lutte incessante entre la pensée et le pouvoir.

Le pouvoir avait pris ses mesures et tenait sous sa main toute la presse. Aucun livre ne pouvait paraître sans avoir passé deux fois sous l’inspection des censeurs, qui devaient lire d’abord les manuscrits avant d’en autoriser l’impression, puis les feuilles imprimées avant d’en autoriser la publication. Plus tard, ces précautions parurent insuffisantes ; outre la police, le pouvoir fit intervenir le clergé dans l’examen des productions de l’esprit. Les rigueurs redoublaient : défense aux journaux de traiter les questions sérieuses, défense de nommer, fût-ce pour les flétrir, Calvin, Voltaire, Masaniello, la réforme ou la révolution. Quant à la politique, une seule feuille avait le droit de s’en occuper, la gazette officielle, et elle n’en abusait point. Rédigée sous la direction de la police, elle donnait assez régulièrement les nouvelles de l’Australie et de la Chine ; mais l’Europe l’intéressait médiocrement. Le péril eût pu venir des publications étrangères, si le roi François Ier n’avait eu l’heureuse idée de les frapper de droits exorbitans pour les retenir aux frontières. De plus une douane littéraire installée à l’entrée de la ville, du côté de la mer, était chargée d’examiner les caisses de librairie. Quand un voyageur débarquait sur le Môle, on prenait ses livres et on les portait dans le cabinet du réviseur, qui retenait ce qu’il voulait. Ces précautions prises, le pouvoir n’eut plus qu’à se prémunir contre l’université. Il la regardait comme inutile et dangereuse ; il craignait surtout l’agglomération des étudians sur un même point : aussi chercha-t-il à les disperser le plus possible, et à cet effet, chose étrange, il favorisa la liberté de l’enseignement. Pas de brevets ni de concours ; le premier venu, pourvu qu’il n’attaquât ni le catholicisme

  1. Tous les hommes, qu’on vient de nommer, et qui surent dignement continuer l’œuvre de Puoti, méritent qu’on donne ici quelques indications sur leurs travaux. M. Fabbricatore a dirigé des publications estimables, notamment un recueil périodique, la Rivista Sebezia.— M. Robinò est l’auteur d’une grammaire italienne souvent rééditée, la meilleure qui existe, au dire des Napolitains. — Dans de nombreux écrits et surtout dans un curieux vocabulaire complétant et corrigeant le dictionnaire officiel de la Crusca, M. Emmanuele Rocco a fait preuve d’un esprit très cultivé. — Des deux frères Dalbono, le premier, Cesare, est un critique attentif, dont les études (une entre autres sur Basilio Puoti) ont été justement remarquées ; l’autre, Carlo Tito, a donné nombre de nouvelles et de romans : c’est une plume alerte et féconde, c’est aussi un catholique très ardent. — Les trois Volpicella sont tous connus par des travaux intéressans, Scipione par une collection de monumens rares ou inédits sur l’histoire de Naples, — Luigi par d’utiles monographies sur plusieurs villes de l’ancien royaume (Amalfi, Trani, Bari) et des ouvrages de droit, — Filippo par un curieux roman archéologique, Ceccarella.