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été affranchis et déclarés citoyens pour aider à la défense du pays, et dix ans plus tard la constitution fédérale des états de la Plata rendit à la liberté les quelques nègres asservis qui se trouvaient encore sur divers points de la république. Même au Paraguay, cet état semi-républicain, semi-patriarcal, où le président élu gouverne despotiquement son peuple comme il le ferait d’une grande famille, tous les enfans d’une mère esclave deviennent libres à leur naissance, et la servitude s’éteint graduellement : les descendans des nègres importés par la traite se fondent peu à peu avec le reste de la population. En dépit de tous les obstacles apportés au développement de la liberté par les traditions que les jésuites et le gouvernement de Francia ont laissées dans le Paraguay, ce pays est de plus en plus entraîné vers les mêmes destinées que les autres républiques hispano-américaines ; le contraste de ses institutions avec celles de l’empire du Brésil s’accuse plus nettement chaque année. Il n’est donc pas étonnant que dans la guerre actuelle le Paraguay se soit rangé du côté de la Bande-Orientale. À l’antagonisme des races, à la lutte des intérêts commerciaux et aux désirs d’agrandissement territorial s’ajoute maintenant une cause d’hostilité plus sérieuse.

Les premières années de l’existence du Brésil comme puissance indépendante furent remplies par une guerre acharnée pour la possession de la Bande-Orientale. En 1821, lors de la révolution de Rio-Janeiro, la place de Montevideo était occupée par des troupes portugaises qui la gardèrent pour le compte des Brésiliens ; mais les Argentins, aidés par la population locale, se préparèrent bientôt à les en chasser. Les impériaux, battus dans plusieurs rencontres, furent presque complètement écrasés dans la vallée d’Ituzaingo, et, désormais incapables de tenir la campagne contre les paysans insurgés et l’armée de Buenos-Ayres, il ne leur resta plus qu’à se renfermer dans les murs de la ville, puis à se retirer après avoir reconnu l’indépendance de la nouvelle république. C’était en 1829. Quelques années plus tard, l’empire à son tour était menacé dans son intégrité territoriale. Les populations de la province méridionale de Rio-Grande-do-Sul se soulevèrent contre le gouvernement et proclamèrent leur autonomie républicaine. Défendu par quelques hommes héroïques, au nombre desquels se trouvait Garibaldi, l’état libre de Piratinim servit pendant neuf ans de boulevard à la Bande-Orientale ; mais il finit par succomber dans cette lutte inégale contre toutes les forces du Brésil, et celui-ci put reprendre sa politique envahissante à l’égard de la république de l’Uruguay. Il est vrai qu’à cette époque les atrocités commises dans le pays par Manuel Oribe et les autres lieutenans de Rosas permettaient aux Brésiliens de se présenter comme des sauveurs. En 1851, ils s’allient avec le