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du Parana ; de même tous les cours d’eau des provinces de Catamarca, de Rioja, de San-Juan, de Mendoza, s’affaiblissent à mesure qu’ils s’éloignent des montagnes, puis s’étalent en marais ou se fractionnent en flaques : le sable du désert les absorbe peu à peu. Même les eaux courantes du massif de Cordova, bien qu’elles prennent leur source à moitié chemin de la chaîne des Andes au Parana, ne peuvent pas toutes gagner le fleuve. Le Rio-Primero et le Rio-Segundo s’évaporent dans une série de lagunes saumâtres qui sont déplacées vers l’est pendant les crues. Enfin le Rio-Quinto, qui jadis se rendait directement à la mer et se jetait au sud de l’estuaire de la Plata, dans l’anse de San-Borombon, s’arrête actuellement vers le milieu de son ancien cours : des lagunes le rattachent à l’est aux sources d’une petite rivière que l’on peut considérer comme le Quinto inférieur. Pendant la période géologique actuelle, la diminution des pluies ou l’accroissement de l’évaporation a eu pour résultat de couper le fleuve en deux parties.

Les régions où vont se perdre ces eaux ne présentent point le même aspect dans toute leur étendue. Les plaines occidentales qui entourent en partie le massif de Cordova sont parsemées de plantes épineuses, de genêts, de mimosas et d’autres arbustes au maigre feuillage ; le sol argileux et compacte n’offre qu’un gazon court ; çà et là resplendissent au soleil de vastes espaces salins complètement dépouillés de verdure. Ce sont de véritables déserts qui furent autrefois noyés sous les flots d’une mer intérieure, et qui de nos jours sont presque complètement privés d’eau, si ce n’est durant les pluies : les voyageurs traversent en caravanes ces régions inhospitalières, semblables aux solitudes de l’Afrique et de la Perse. Plus à l’est commence cette grande plaine centrale qui forme l’un des caractères distinctifs du continent colombien, et dont l’immense surface presque horizontale s’étend, sur une longueur de 3,000 kilomètres au moins, des régions brûlantes du Brésil tropical aux froides contrées de la Patagonie. Au nord du Salado, cette plaine, qu’habitent des Indiens encore indomptés et que se disputent les diverses républiques voisines avant d’y avoir même établi leurs colonies, porte le nom de Gran-Chaco. Le Pilcomayo, le Vermejo et d’autres fleuves descendus des Andes promènent en liberté leur cours à travers ces espaces presque entièrement inexplorés ; leurs eaux, animées d’un très faible courant, sont arrêtées par le moindre obstacle, et décrivent dans les campagnes une série de méandres aux rives incessamment changeantes ; des lagunes, des marécages, des hanados n’ayant parfois que deux ou trois décimètres d’eau sur de vastes espaces, reçoivent le trop plein de la masse liquide pendant la saison des pluies, et la déversent de nouveau dans le fleuve