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brusquement, quand l’eau se retire, par la pression de l’air déjà enfermé dans son magasin. La séparation des deux élémens ne se fait pourtant pas si radicalement qu’une certaine quantité d’eau, évaluée à 17 litres par oscillation, ne suive l’air comprimé dans sa fuite. Elle est reçue dans un récipient particulier en forme de cuvette, appelé purgeur, où les deux adversaires finissent par se séparer. L’eau se délivre elle-même en élevant son niveau, qui porte un flotteur en cuivre auquel est attachée une tige qui mène une soupape au fond de la cuvette.

Les avantages du nouveau système sur le premier sont nombreux. D’abord il peut être mis en mouvement par une faible chute d’eau et au besoin par une machine à vapeur. Il permet de varier la tension de l’air en augmentant ou en diminuant la hauteur de la colonne manométrique qui pèse sur le récipient. Il ne comprime pas la même quantité d’air par oscillation que le système à colonne par pulsation; mais le résultat obtenu dans le même temps est bien supérieur, parce que la marche de l’opération est plus rapide. Le nouveau système accomplit huit oscillations par minute, et comprime 4m 696 cubes d’air, tandis que le premier ne donne que trois pulsations et ne comprime que 3m 669 cubes d’air. Le compresseur à pompe est évidemment le système de l’avenir; on le préférera, si jamais l’air comprimé supplante la vapeur d’eau dans le travail industriel. Il était à peine sorti de la pensée féconde de l’inventeur qu’il détrônait son rival à Modane, et remplaçait le gigantesque artifice auquel on avait recouru pour l’élévation de l’Arc. A Bardonnèche même, malgré la puissance des chutes qui ont facilité l’installation du compresseur à colonne, il le remplace aujourd’hui également. Douze compresseurs à pompe fonctionnent déjà du côté de la Savoie ; ils pourraient comprimer par jour, s’ils travaillaient continuellement, 93,450 mètres cubes d’air et par an plus de 30 millions, qui, réduits au sixième de leur volume, donnent 5 millions à 6 atmosphères, quantité qui suffira à tous les besoins de force motrice et d’aération dans la galerie.

L’air est transmis par ce long appendice que nous avons vu se détacher de l’atelier de compression et s’enfoncer dans le tunnel. La transmission de l’air à de grandes distances est le point délicat du système des trois ingénieurs. C’est là qu’ont porté les principales objections de la science. On n’avait pas de peine à démontrer théoriquement que la perte de tension de l’air est en raison directe de la distance à parcourir et en raison inverse du diamètre du tube, et qu’à un point donné du tunnel l’air, ayant perdu sa force vive, frapperait vainement sur le piston des machines perforatrices. L’objection semblait confirmée par les expériences de la commission