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DEUX FEMMES
DE LA REVOLUTION

II.
MARIE-ANTOINETTE.

Il est des fatalités qui éclatent dans l’histoire, qui impriment aux événemens, aux destinées individuelles je ne sais quel sceau de grandeur tragique, et laissent comme une traînée d’attendrissement et de terreur. La révolution française est assurément une de ces fatalités prodigieuses, ou plutôt elle est l’assemblage de toutes les fatalités, et la plus étrange, la plus touchante, est cette destinée d’une maison royale foudroyée jusque dans des femmes, jusque dans des enfans, d’une reine surtout qui résume en elle-même tous les contrastes, grâce, élégance, dignité charmante, héroïsme naturel, malheur sans mesure, tout ce qui peut ennoblir, épurer ou briser une âme humaine..

Pour que des hommes qui, à peu d’exceptions près, n’ont eu ni véritable génie, ni grandeur personnelle, aient pu à un jour donné être les vainqueurs de tout un passé et devenir les tout-puissans instrumens de la plus radicale, de la plus gigantesque transformation, combien de précurseurs inconnus ont dû se succéder de siècle en siècle, mettant obscurément la main à l’œuvre, préparant cette révolution d’idées et d’institutions à laquelle ils travaillent sans le savoir ! Que d’efforts imperceptibles et accumulés ! que de fermentations secrètes disposant tout pour un dénoûment qui se trouve être à la fois une catastrophe et un affranchissement, la fin d’une