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IL
TRAFORO DELLE ALPI

Le percement des Alpes (il traforo delle Alpi) est une des grandes préoccupations de notre époque. L’idée d’un chemin de fer à travers le Mont-Cenis est devenue en quelque sorte nationale en-deçà comme au-delà des monts, elle est entrée dans le courant de l’opinion publique; mais ce qu’on ne saurait oublier, c’est qu’il y a vingt ans déjà elle stimulait l’énergie latente du vieux Piémont : le roi, les ministres et la nation l’embrassaient alors avec une ténacité comparable à celle qu’ils portèrent plus tard dans la poursuite de l’idée italienne. Dès 1842, l’attaque des Alpes et la rescousse contre l’étranger (la riscossa contro lo straniero) sont les deux buts principaux vers lesquels gravitaient les pensées secrètes du roi Charles-Albert. Ce prince mit la main courageusement aux deux grandes entreprises; mais il était réservé à son successeur de les conduire à un point où l’on peut dire qu’elles sont achevées, que les Alpes sont percées et l’Italie délivrée. En octroyant à ses peuples le statut fondamental de 1848, Charles-Albert leur avait néanmoins laissé le moteur vraiment propre à renverser la double barrière élevée par la nature et la politique autour des domaines de sa maison. Par la liberté constitutionnelle alors inaugurée, les forces politiques et économiques du Piémont se sont multipliées rapidement; par la liberté bien plus encore que par les annexions, le Piémont a grandi, s’est fortifié, et par ce moteur puissant il a été poussé dans la voie des réformes économiques, des entreprises pacifiques, des travaux publics, des constructions de chemins de fer. En quelques années, toute la plaine subalpine occupée par la maison de Savoie, du pas de Suse à la forteresse