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rapport de l’homme avec les choses marque où il doit l’être chez une créature pensante, c’est-à-dire dans sa pensée. La nature spontanée d’une perception se reconnaît à ces deux signes, qu’elle est simple et qu’elle est universelle. Ce qui est compliqué se déduit, se dérive et n’apparaît pas comme un trait de flamme. Ajoutons que ce qui est spontané peut seul être universel : l’idée acquise par un travail de l’intelligence varie selon les classes, les peuples et les époques, variables eux-mêmes sous le rapport intellectuel.

L’idée d’une vie future, avec tous ces caractères de l’instinct et de la vérité qui paraît dans les instincts, est une idée lumineuse : elle est de plus une idée forte, d’un effet puissant et varié, où tout est consolation, discipline, épouvante. A toute rigueur, on pourrait s’en tenir là; on pourrait se borner à cette hypothèse nécessaire, selon le mot de Laplace, ou plutôt à cette perception simple, impérieuse, nullement hypothétique, qui ne se laisse pas plus entamer par le scepticisme que le fait même de notre "existence et de notre pensée, car elle en est partie intégrante et identique. «Le patriarche, disait Grimm, ne veut pas se départir du rémunérateur-vengeur. » Je ne vais pas à l’encontre de Voltaire; mais le plus facile et le plus sûr est de reconnaître, parmi les lois qui gouvernent notre espèce, une loi de rémunération-vengeance par-delà cette vie. Beaucoup pourraient être tentés de s’en tenir là, trouvant là l’essentiel, c’est-à-dire une assurance contre cette peine de mort, contre ce froid calice du néant dont les matérialistes menacent la personne humaine.


IV.

Chacun est en état de juger maintenant si le positivisme a le droit d’affirmer que nous ne pouvons rien savoir de notre fin et de notre origine. Cette impuissance, fùt-elle notre fait, n’aurait pas raison de notre curiosité, de notre inquiétude sur ces grands sujets; mais il est certain que l’on n’en est pas là. Sans hypothèse, sans conjecture, nous lisons en nous-mêmes notre avenir, écrit avec les caractères de l’instinct, qui est le révélateur et l’instituteur éprouvé de notre espèce.

M. Littré n’a pas seulement exposé la doctrine de Comte, il a raconté sa vie, et ce récit, comme cet exposé, est d’une bonne foi, d’une sincérité parfaite. M. Littré n’émet pas une opinion sans la débattre avec le lecteur, sans lui donner les moyens de la juger et de la contrôler. Cela est d’une rare distinction et ne ressemble en rien au vulgaire des polémiques ou des propagandes. Jamais prosélytisme n’eut cette discipline, cette droiture. Aussi croyons-nous de