Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/883

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tés, l’œuvre économique, substituer dans toutes ces régions la stabilité des lois, un pouvoir public et responsable, l’emploi des forces de la nature à l’Olympe païen, au pouvoir personnel, à l’esclavage de l’homme, tel est le principal effet du progrès, c’est-à-dire de l’expérience. Après ce discernement, cette élimination, ce qui reste d’idées religieuses, politiques et économiques pourrait bien être la vérité; mais que reste-t-il, cela fait, en matière religieuse? L’idée d’une autre vie.

Ainsi l’erreur est diverse, et on vient de la reconnaître sous ses différens traits, dont aucun ne peut s’appliquer à l’idée d’une autre vie, car cette idée n’est pas la conclusion d’un syllogisme, qui peut être mal déduite, ni la somme de certaines observations particulières, qui peut être mal calculée ou mal fondée, ni la création de quelque personne semblable à nous, qui, revêtue de l’infini, serait chimérique. Remarquez en outre que tous ces caractères de l’erreur ont cela de commun : un état actif de l’esprit, une action désordonnée de l’esprit. À ce compte, comment l’idée d’une autre vie serait-elle une erreur? Idée plutôt reçue que conçue par notre esprit, d’une origine où l’on ne voit rien d’humain, nul projet, nul effort de notre part. Quand notre esprit n’agit pas, il ne peut errer.

Pardon! dites-vous; notre esprit, même à l’état passif, est capable d’erreur, d’illusion. En cet état, qui est celui où il reçoit l’impression des choses extérieures, il ne reçoit pas la pure impression de la réalité. Les choses qu’il voit par exemple lui apparaissent volontiers tout autres qu’elles ne sont : le microscope est là pour lui montrer des lacunes et des aspérités dans ce qui s’offre à l’œil comme lisse, uni, continu, ce que Voltaire a très bien exprimé. « Si Paris, dit-il, avait vu la peau d’Hélène telle qu’elle était, il aurait aperçu un réseau gris-jaune, inégal, rude, composé de mailles sans ordre : jamais il n’aurait été amoureux d’Hélène. La nature est un grand opéra dont les décorations font un effet d’optique... La nature nous fait une illusion continuelle. C’est qu’elle nous montre les choses, non comme elles sont, mais comme nous devons les sentir. »

A cela plusieurs réponses. L’esprit est peut-être passif quand il reçoit l’impression des choses extérieures. N’oubliez pas toutefois que cette impression est un rapport entre ces choses et notre esprit au moyen de certains appareils intermédiaires. Si l’erreur peut se glisser dans une perception qui nous parvient à titre de rapport et à travers certains organes, vous n’en pouvez conclure l’erreur possible d’une idée comme celle d’une autre vie, idée que nous trouvons en nous-mêmes, sur nous-mêmes, sans aucune assistance de mécanisme intermédiaire, sans aucune prise offerte à l’il-