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principe de cette nature. On affirme simplement une loi toute pareille aux lois qui gouvernent l’univers, on esquive cette terrible conception où il s’agit de passer du fini que nous sommes, y compris les métaphysiciens, à l’infini de l’être et des attributs divins; bref, on a l’effet et le profit d’un Dieu sans en avoir l’énigme.

Ainsi nous sommes pleins de révélations sur ce qui nous constitue, nous importe, nous entoure, nous attend même, sur la manière d’en user avec la nature et avec nos semblables, avec le présent et avec l’avenir. Tout cela est évident, impérieux, et nous avons lieu d’y croire tout comme nous croyons au vide quand nous mettons le pied sur le bord extrême d’un ravin. D’où pourrait donc venir votre défiance de l’instinct religieux? — Ce n’est pas un instinct, dites-vous, c’est une idée de l’esprit. — Mais pourquoi l’esprit nous tromperait-il sur les choses de sa compétence? C’est le propre de notre esprit de concevoir et de nous révéler des choses qui ne se voient pas avec les yeux de la tête, comme c’est le propre de nos sens de nous révéler la matière. Pourquoi l’un serait-il plutôt que les autres un agent d’illusion et de déception, quand il procède de la même façon et nous rend le même service? Instinct ou idée, peu importe, si l’idée est tout à la fois aussi salutaire et aussi involontaire que l’instinct.

Cette idée d’une autre vie est vraie au même titre que les autres idées simples, que les autres lumières spontanées, universelles, qui luisent en chacun de nous. Le monde futur nous est révélé avec le même éclat que le monde matériel. La vie à venir est une donnée ou, si vous aimez mieux, une apparition du même ordre que toutes les données dont nous vivons actuellement Elle y touche par ces deux points essentiels, une origine identique et un service équivalent. On parlait tout à l’heure de ces idées simples et spontanées qui entraînent partout l’assentiment des hommes : tels sont en effet les caractères de la vérité, et peut-être aurait-il fallu commencer par dire cela. Qu’est-ce qui serait vrai, si ce n’est ce qui est en nous sans être de nous, intuition plutôt qu’opération de l’esprit, où ne peut se trouver ni l’erreur d’une idée complexe, ni celle d’une idée à laquelle les sens ont prêté leur ministère et fourni leur contingent?

La vérité est dans ce qui nous apparaît et dans les suites logiques de ce qui nous apparaît. Ainsi nos sens et nos instincts sont véridiques : la géométrie ne l’est pas moins, se déduisant tout entière de principes primitifs et irréductibles, d’évidences que nous n’avons pas faites. Nous avons certaines idées comme nous avons le langage et même la respiration, sans le vouloir, sans nous en mêler, pour ainsi dire; ces idées sont en nous l’effet des choses : il