les traits les plus significatifs de cette nature méridionale. Partout et toujours la recherche et l’amour des faits en dehors de l’ordinaire, le besoin de la vérité, mais d’une vérité insolite, presque indiscrète; partout l’expression d’une émotion vive, mais un peu systématiquement ressentie, et par cela même uniforme, malgré l’étrangeté des types et la diversité des sites reproduits.
Nous le disions en commençant, l’entreprise tentée par Calame n’est pas de celles qui marquent dans l’histoire de l’art un progrès absolu, l’ère d’une découverte féconde, parce que, si brillamment qu’elle ait été menée, cette entreprise n’en demeure pas moins erronée dans son principe. Elle ne nous semble avoir abouti à rien de plus qu’à des preuves, une fois données, de volonté et de talent personnels. Même parmi les élèves du maître, bon nombre n’ont pas tardé à se détourner de la voie où ils étaient entrés à sa suite, pour se réfugier, comme le plus habile d’entre eux, M. Castan, dans l’étude de la nature paisible et de la vérité sans bizarrerie. Le mérite de Calame est d’avoir travaillé avec une énergique bonne foi à se créer une méthode neuve, de n’avoir pas spéculé, pour arriver au succès, sur des combinaisons d’idées anciennes, de s’être proposé enfin un idéal particulier, et d’en avoir poursuivi la réalisation sans s’effrayer des obstacles ni des périls. Son tort est de n’avoir pas assez compris que le courage pouvait ici dégénérer facilement en imprudence, que beaucoup de ces difficultés ne devaient pas même être abordées, et qu’en voulant s’approprier les plus rares curiosités de la nature, l’art courait le risque de forcer ses ressources, de compromettre ou d’exagérer sa fonction.
« Telle scène des Alpes, a écrit Calame, peut, aussi bien que la mer et les lointains les plus fuyans d’un pays plat, donner l’idée de l’infini. Ce n’est donc pas dans la configuration des Alpes qu’il faut chercher la cause du peu d’attrait, de la froideur qu’on remarque dans les reproductions qu’on en fait; ce n’est pas non plus dans la couleur qui leur est propre, et qui, aussi bien que dans tout autre pays, a ses splendeurs et ses harmonies. Il faut la voir dans le peu de sérieux et de persévérance qu’on met à les étudier, dans les partis-pris et les systèmes d’école qui s’accommodent mieux d’une nature où ils trouvent leur application que de celle qui rejette tout préjugé, tout système, et devant laquelle un grand maître en plaine n’est qu’un enfant, s’il ne l’aborde avec l’attention qu’elle réclame.» Est-ce bien en effet à des préjugés, à l’irréflexion ou à la paresse qu’il convient d’attribuer l’impuissance ou l’abstention formelle des artistes en pareil cas? Nous croyons au contraire que, là où il y a eu tentative, l’insuccès tient aux conditions mêmes de la tâche, et qu’ailleurs, en récusant les modèles que devait se proposer Calame,