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étudié avec tant de profit pour la science, et l’archipel des Maldives, cette double chaîne de montagnes sous-marines dont chaque cime est couronnée par une tiare de corail se dressant au-dessus des eaux.

Ainsi l’espace qui s’étend sur les deux tiers de la rondeur du globe, des côtes orientales de l’Amérique aux rivages occidentaux de l’Océan-Indien, offre deux aires de soulèvement et deux aires de dépression se succédant régulièrement de l’est à l’ouest. Après le continent américain, qui s’exhausse avec lenteur, viennent les innombrables îles basses de l’Océanie, dont la plupart auraient déjà disparu depuis longtemps, si les travaux des polypiers ne les maintenaient au niveau des flots ; puis se développe en un vaste demi-cercle, signalé de loin par ses volcans, une large zone d’îles et de plages qui s’élèvent graduellement, comme pour remplacer dans l’avenir le vieux continent d’Australie. Enfin les mêmes causes qui dépriment le lit du Pacifique central font également baisser celui de l’Océan-Indien avec ses bas-fonds et ses récifs. Au-delà se trouve la masse énorme de l’Afrique, dont les côtes n’ont encore été explorées par les savans que çà et là et sur de faibles étendues. Cependant assez d’observations ont été faites pour qu’il soit permis de considérer l’Afrique orientale et les terres qui en dépendent comme une troisième vague de soulèvement correspondant à celles de l’Amérique et des îles de la Sonde. Les bancs de coraux qui entourent Maurice, La Réunion, Madagascar, ceux qui bordent la côte africaine de Mozambique à Mombaze témoignent de l’élévation du sol ; de même les rivages méridionaux de la Mer-Rouge montrent encore, à diverses hauteurs, des traces évidentes du séjour récent des eaux marines. La plupart des voyageurs qui ont visité ces contrées ont été frappés des récifs émergés, des plages blanches de sel, des baies abandonnées dans l’intérieur des terres et transformées en marécages[1]. Du côté du nord, c’est non loin de l’isthme de Suez que la lente élévation du sol est remplacée par un mouvement inverse ; mais on ne sait pas encore où se montrent, du côté de l’ouest, les premiers indices d’un affaissement graduel, toujours est-il qu’au-delà du continent africain Madère, Sainte-Hélène et probablement aussi les Canaries, seuls restes de l’ancienne

  1. Voyez Ferret et Gallinier, Voyage en Abyssinie, p. 187 et suivantes. Les savans qui les avaient précédés, Rüppel, Salt, Valencia, avaient constaté les mêmes phénomènes. M. Lejean, dans un récent voyage, a reconnu que la croissance du sol a complètement séparé de la mer et changé en une simple mare l’ancien port de Djeddah, qui, du temps de Niebuhr, était encore accessible aux navires d’un faible tonnage. D’ailleurs Niebuhr dit lui-même que l’examen des lieux prouve d’une manière incontestable la retraite des eaux. Les populations riveraines affirment que le fond et les bords de la Mer-Rouge changent tous les vingt ans.