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construit à Londres des maisons de fer qu’on emporte avec soi et qu’on monte ensuite de toutes pièces en Australie, au Cap, à la Nouvelle-Zélande. Comment dire ce que le génie civil doit aux iron-works ? Un de ses triomphes est à quelques lieues mêmes de Merthyr Tydvil le viaduc en fer de Crumlin, véritable chef-d’œuvre de force et de légèreté.

Pour peu qu’on interroge l’histoire, on est entraîné vers un autre ordre de réflexions. Le caractère des métaux n’a point été étranger à la nature des différentes époques. Les découvertes de l’or du XVe au XVIe siècle ont répondu aux besoins d’une société aristocratique. L’âge du fer est au contraire, par une curieuse coïncidence, l’âge de la démocratie. La moralité de ce dernier métal, si l’on peut s’exprimer ainsi, est du moins supérieure à celle de l’or : il n’allume point les convoitises des aventuriers, il n’a jamais dépeuplé les contrées lointaines ni traversé les mers teint du sang des indigènes. Transformé en outils, il apporte au travailleur des forces nouvelles; converti en machines, il centuple la production; allongé en rubans, il réduit les distances. Combien le bon marché des ustensiles de fer n’a-t-il pas depuis un demi-siècle accru chez nos voisins le bien-être domestique! L’agriculture lui doit ses meilleurs progrès. C’est ce caractère d’utilité générale qui assure l’avenir aux iron-works. Les grandes industries sont aujourd’hui les industries populaires. Pareilles à ces chênes gigantesques dont les racines, selon l’expression de Humboldt, plongent vers le foyer central, elles vont puiser la sève et la chaleur dans les couches profondes de la société.


ALPHONSE ESQUIROS.