Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 55.djvu/843

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui existent : il exige l’exercice d’une grande vigueur musculaire dans des conditions très rigoureuses. Faut-il après cela s’étonner que de tels ouvriers montrent le plus souvent de la répugnance à élever leurs enfans pour une profession dans laquelle en général les forces humaines cessent, après l’âge de quarante-cinq ou de cinquante ans, de suffire à la tâche? Qui ne leur pardonnerait en outre de s’abandonner quelquefois à un excès de boisson, livrés qu’ils sont, pendant de longues heures de travail, à l’action dévorante de la fournaise? Cependant le métal, qu’on n’a cessé de remuer vigoureusement, finit par ne plus être un fluide élastique : il se caille en grumeaux, puis bientôt ces grumeaux se réunissent en une masse granulaire qui s’émiette comme de la terre sèche sous l’instrument du puddler; seulement c’est une terre de feu. Dans cet état, on le retire de la fournaise en boules d’une grosseur modérée, et on le soumet à une forte pression mécanique de manière à en former des gâteaux (cakes). Ces gâteaux sont remis au feu dans une autre espèce de fournaise, puis ils passent à plusieurs reprises sous une série de rouleaux d’où ils sortent s’allongeant à vue d’œil en rubans de fer rouge. Chaque fois qu’ils glissent sur le plancher de métal, ces rubans se tordent et se meuvent de même qu’un serpent qui lutterait pour s’échapper; mais des enfans noirs comme des lutins courent à travers la plate-forme, saisissent ces serpens de feu avec des pinces et les traînent ainsi captifs vers de nouvelles épreuves. Une machine qui semble animée d’une force surnaturelle les coupe ensuite l’un après l’autre, selon la longueur voulue, avec plus d’aisance qu’une lame de rasoir ne trancherait un roseau. On a obtenu alors ce qu’on appelle du fer en barres ou du fer forgé. J’ai vu frapper selon le même procédé des rails de chemins de fer qui s’empilent par milliers dans les cours de l’usine. Le métal a dépouillé dans cette série d’épreuves le carbone, l’oxygène et les parties terreuses qui s’attachaient encore à la fonte. Il resterait, pour certains besoins de l’industrie, à convertir le fer en acier; mais cette dernière transformation ne se pratique guère jusqu’ici à Merthyr Tydvil.

De l’usine de Cyfarthfa je me rendis aux Dowlais iron-works, où je voulais observer une autre grande scène d’actions mécaniques. Les travaux couvrent une superficie de 14 acres de terre et ont coûté à établir 2 millions l/2 de livres sterling (62,500,000 francs.) Pour jeter les fondemens des ateliers, on creusa jusqu’à ce qu’on pût trouver dans la terre une roche solide; l’excavation fut remplie d’abord de gros blocs de calcaire grossier reliés entre eux avec du ciment, et sur cette base on étendit un plancher en chêne qui fut ensuite masqué par un revêtement de fer. Qui ne serait frappé en