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Coatbridge, trois ouvriers et un jeune apprenti furent renversés par la masse encore liquide des scories et par les cendres qui s’abattirent tout à coup d’une fournaise. Les habits et le corps brûlés, ces trois hommes se sauvèrent dans un état pitoyable, et après avoir vécu quelques jours, luttant contre des douleurs atroces, ils succombèrent à leurs blessures. Quant au jeune garçon, il ne put même se relever; on réussit à le dégager de ce monceau de laves fumantes, et on le transporta dans une maison où il mourut quelques heures après. Lorsqu’on nettoie ces cheminées, ce qui en tombe est formidable. On y a trouvé des graphites et d’autres rares produits chimiques. Les scories qu’on retire de la fournaise après la fonte du minerai produisent un volume très considérable. Jetées et amassées d’année en année autour de l’usine, elles l’entourent de véritables remparts. Ces monceaux de débris ont même imprimé des traits nouveaux au paysage et élevé des collines parmi les collines. Dans deux ou trois mille ans d’ici, ces terrains créés par l’industrie exerceront peut-être dans plus d’un sens la curiosité des géologues; aujourd’hui même en Angleterre on suit pour ainsi dire à la piste les travaux métallurgiques des anciens Romains et de leurs successeurs par les couches artificielles qu’a laissées sur place le rebut des fonderies, et qui dans plus d’un endroit ont eu le temps de se recouvrir d’une croûte de terre végétale. Cette écume du fer offre encore une autre singularité remarquable : comme on la dépose à l’état igné sur la masse refroidie des scories anciennes, elle semble d’abord près de s’éteindre, et l’ensemble ne présente pendant le jour qu’un immense tas de noirs décombres; mais qu’on ne se laisse point aller à trop de confiance, le feu couve sous la cendre. Viennent les ombres de la nuit, et des flammes de diverses couleurs qui dormaient en quelque sorte sous la clarté du soleil se réveillent successivement. Toute la colline apparaît alors revêtue d’un éclat sinistre. C’est ce phénomène que j’avais aperçu la veille des fenêtres de l’hôtel, et qui m’avait fait croire à un incendie.

Revenons au métal qui bout dans la fournaise. On a étendu devant le foyer un vaste fit de sable. Dans quelques usines, ce lit est recouvert d’un toit; aux Cyfarthfa iron-works, il est exposé en plein air et protégé seulement par un enclos de pierre qui le sépare de la cour. le lit de sable s’incline en pente à partir de la fournaise et se montre en quelque sorte labouré d’une série de sillons parallèles entre lesquels s’élève un fort bourrelet. L’embouchure de ces sillons communique avec un conduit transversal creusé dans le gravier, et tous ces conduits aboutissent à un long canal qui court du robinet de la fournaise jusqu’à l’extrémité du lit de sable. L’ouverture du robinet (tapping) est à coup sûr un moment