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leur eau d’un vert pâle : ce sont les atolls. On sait quel est l’étrange aspect de ces bancs de coraux assiégés par la mer. Dans les parties de l’anneau où les constructions des polypiers et des madrépores n’ont pas encore atteint la surface, les flots qui passent au-dessus de la digue sous-marine se soulèvent en brisans d’écume. En d’autres endroits du récif, on voit poindre au-dessus de la vague des écueils d’une blancheur éblouissante ou d’un rose délicat. Vient ensuite une rangée semi-circulaire d’îlots semblables à des pierres druidiques érigées en pleine mer par des géans. Enfin, sur les terres émergées qui occupent la partie de l’atoll la plus exposée à la violence des lames et des vents, se balancent des cocotiers, soit en simples groupes, soit en véritables bosquets. Telle est la forme la plus commune des récifs parmi les milliers d’atolls qui parsèment la Mer du Sud. Lorsque les bancs de coraux ne sont pas encore achevés, leur position ne se révèle que par un cercle de brisans ; ceux qui sont arrivés au dernier degré de leur développement forment un bois circulaire qui, vu de haut, semblerait une couronne de feuilles flottant sur les eaux bleues.

Comment ces étranges récifs se sont-ils élevés ? Les polypiers aimant à bâtir au milieu de l’eau qui déferle, on comprend que, partout où se trouve un banc sous-marin, les récifs de coraux affectent, comme les brisans eux-mêmes, une disposition plus ou moins annulaire ; mais là où la sonde ne révèle aucun bas-fond caché aux abords des atolls, comment se fait-il que les polypiers aient pu faire surgir du fond de l’abîme leurs habitations calcaires ? Pour expliquer ce phénomène, on avait imaginé les hypothèses les plus bizarres : on prétendait voir dans chaque atoll le pourtour d’un cratère que les forces intérieures du globe auraient soulevé jusqu’à une distance de quelques mètres de la surface, de manière à fournir une base aux travaux des polypiers. Quand même cette explication serait vraie pour un nombre limité d’atolls, il serait incompréhensible que des milliers et des milliers de volcans se fussent élevés uniformément à la même hauteur au-dessous du niveau marin ; on ne saisirait pas davantage pourquoi les cratères de ces prétendus volcans affecteraient souvent les formes les plus irrégulières ; enfin il serait impossible de concevoir pourquoi, sur ces multitudes de récifs annulaires qui constituent plusieurs archipels, — notamment la double rangée des Maldives, longue de 750 kilomètres et large de 80, — aucun atoll ne s’est jamais signalé par une éruption de laves ou de cendres. La forme de ces récifs ne se rattache donc pas aux phénomènes volcaniques proprement dits : elle ne peut s’expliquer, comme tant d’autres faits de l’histoire terrestre, que par des mouvemens lents de la surface. L’affaissement du lit des mers fait comprendre la formation des atolls et des barrières de récifs