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faire la cour. C’est généralement à une foire ou à quelque fête champêtre qu’on se rencontre. L’aspirant guette le moment d’engager une conversation particulière avec l’objet de son choix, l’aborde et lui offre galamment de la bière, quelquefois même du vin avec des gâteaux. Si pourtant il est d’un naturel timide et que le cœur lui manque à force de battre, il charge un de ses amis de rompre la glace. Cette seconde tactique, il faut le dire, est rarement couronnée de succès. Un ancien poète breton a dit : « La meilleure robe de la vierge est la modestie ; mais la hardiesse sied à un jeune homme. » Les paysannes welshes sont de l’avis du barde; cette demande par procuration est le plus souvent accueillie avec un sourire froid et moqueur, semblable, dit un proverbe gallois, « au ricanement de l’eau sous la neige. » Le cœur des belles favorise les audacieux; celui qui assaisonne sa déclaration d’un grain d’esprit, qui a confiance en lui-même, est presque toujours le préféré. La jeune fille consentira peut-être à le recevoir dans la nuit du samedi. Le jour et l’heure du rendez-vous étant fixés, ni la distance, ni l’épaisseur des ténèbres, ni l’inclémence des élémens ne doivent décourager l’ardeur de l’heureux Léandre. Une fois arrivé, il se cache dans les bâtimens extérieurs de la ferme jusqu’à ce que toute la famille soit couchée. Seule, elle sait qu’il est là et attend sa visite. L’amant se glisse alors sans bruit dans la maison; on cause quelques instans au coin du feu, et si tout est pour le mieux au point de vue des sentimens, on se dirige vers un fit vide qui se trouve ordinairement au rez-de-chaussée. Le jeune homme se dépouille de son habit et de ses souliers, la jeune fille quitte sa chaussure seulement, puis, s’enveloppant d’une ou deux couvertures, les deux amoureux continuent de s’entretenir à voix basse jusqu’au point du jour. L’aube, si souvent maudite par les bardes welshes, donne le signal de la retraite; le prétendu s’esquive sur la pointe des pieds, promettant bien de revenir.

Cette coutume singulière est ce que les Anglais appellent le bundling ou courting in bed. La plupart des habitans du pays de Galles auxquels on parle de cet ancien usage semblent légèrement embarrassés. Ils rougissent et prétendent qu’on ne trouve plus aujourd’hui rien de semblable. J’en ai vu d’autres cependant qui défendaient bravement la coutume nationale : l’amour vrai, suivant eux, est une victoire remportée sur les sens, et le bundling exerce chez l’homme et la femme les forces de la volonté, l’empire sur soi-même, les mâles résistances de la vertu. Cette manière de se faire la cour dure quelquefois des années. Certains accidens ont prouvé que les jeunes filles du pays de Galles n’étaient pas plus que d’autres à l’abri de toute faiblesse; mais cela, dit-on, arrive rare-