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lente de cette partie des côtes américaines peut être évaluée à 60 centimètres par siècle. Dans la grande île du Groenland, qui doit être considérée comme une dépendance de l’Amérique du Nord, le progrès de l’affaissement graduel semble être beaucoup plus rapide encore. Depuis longtemps déjà, les Esquimaux connaissent ce phénomène, et les colons danois de la côte orientale ont pu le constater dès le dernier siècle en voyant sur une longueur de plus de 1,000 kilomètres les écueils, les promontoires avancés et leurs propres demeures disparaître peu à peu sous les eaux envahissantes. Tandis que les terres émergent au nord de l’Europe et de l’Asie, un mouvement inverse se produit dans les régions polaires du Nouveau-Monde.


IV.

L’étude des rivages n’a pas seulement permis de constater les soulèvemens et les dépressions des grandes masses continentales, elle a aussi révélé aux savans les oscillations des espaces océaniques, car les îles nombreuses qui se montrent solitaires ou par groupes dans la Mer du Sud et dans l’Océan-Indien, ont servi de témoins pour constater les mouvemens du sol qui les porte. Lignes d’érosion, terrasses parallèles, bancs de coquillages modernes, toutes ces marques du séjour des eaux indiquent pour chacune des îles du Pacifique comme pour les côtes de l’Europe et du Nouveau-Monde les divers exhaussemens qui se sont produits ; mais la plupart de ces terres ont en outre de vivantes ceintures de coraux qui mesurent d’une manière précise tous les changemens de niveau, élévation ou dépression, que subissent les plages. La découverte de ce fait, que les oscillations terrestres sont pour ainsi dire rendues visibles par les travaux des polypiers, est sans aucun doute l’une des conquêtes les plus importantes de la géographie moderne, et c’est encore aux patientes recherches, à la sagacité de M. Charles Darwin, que la science en est redevable. Comparant ses propres observations avec celles des explorateurs qui l’avaient précédé, le géologue anglais a pu signaler, comme s’il les avait vus de ses propres yeux, les mouvemens divers qui soulèvent ou dépriment le lit de l’océan sur une étendue aussi considérable que celle des deux continens d’Europe et d’Asie.

Tous les voyageurs qui ont parcouru la Mer du Sud ont été frappés d’étonnement à la vue des récifs élevés par les polypiers au milieu des eaux. Parmi, ces récifs, les uns environnent à distance des îles ou même des archipels entiers ; les autres, éloignés de toute terre, sont disposés en forme d’anneaux ou de croissans plus ou moins allongés autour de lagunes ou de baies remarquables par