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Montagnes-Rocheuses ou de la Sierra-Nevada servirait d’axe. La zone riveraine du Tamaulipas et du Texas s’accroît assez rapidement en largeur, non-seulement parce que les vents du midi, qui soufflent durant presque toute l’année, apportent de grandes quantités de sables, mais aussi parce que le sol s’élève. En dix-huit années, de 1845 à 1863, les plages de la baie de Matagorda se sont exhaussées de 30 à 60 centimètres, et par suite de cette croissance graduelle de la terre, qu’attestent les amas de coquillages abandonnés loin des rivages, le port d’Indianola a dû être transféré à Powderhorn, à 7 kilomètres plus près de l’entrée. La péninsule de la Floride et l’archipel des Bahamas sont également soulevés par les forces intérieures, ainsi que le prouvent les bancs de coraux redressés au-dessus du niveau de la mer. Ces mystérieux monticules, ces volcans de boue (mud-lumps) qui parsèment la côte autour des bouches du Mississipi, et dont un voyageur français, M. Thomassy, a tâché d’expliquer la naissance par la pression des eaux souterraines, paraissent aussi témoigner en faveur d’une élévation générale de la contrée. La direction même que suit le grand fleuve rend très probable que l’axe de soulèvement du continent nord-américain est marqué par les Montagnes-Rocheuses, car au lieu de gagner sur les campagnes de sa rive droite, ainsi qu’il devrait le faire en vertu de la rotation du globe, le Mississipi érode les collines de sa rive gauche, puis, arrivé dans les terres basses de son delta, coule au sud-est, parallèlement aux diverses rivières du Texas et à l’arête des Rocheuses. Il est donc à présumer que la surface immense du continent, se redressant surtout à l’ouest, fait dévier à l’orient toutes les eaux courantes qui la traversent.

Quant à la zone orientale de l’Amérique du Nord, elle ne s’élève pas d’une manière uniforme, car s’il est prouvé que les côtes du Labrador et celles de Terre-Neuve se sont lentement exhaussées, il est certain que d’autres contrées s’affaissent. Dans son second voyage aux États-Unis, sir Charles Lyell a constaté que certaines côtes de la Géorgie et de la Caroline du sud subissent un mouvement de dépression. De même toute la partie du littoral dont la baie de New-York forme le centre et que terminent au nord le cap Cod, au sud le cap Hatteras, s’est graduellement abîmée sous les eaux de l’Atlantique, et cet affaissement n’a point encore cessé, du moins pour les côtes du New-Jersey. Une île, indiquée sur une carte de 1649 comme présentant une superficie de 120 hectares, offre de nos jours à peine une vingtaine d’ares à marée basse, et le flux la submerge entièrement. Les arpenteurs chargés du cadastre ont calculé que les rivages de la baie de Delaware perdent en moyenne près de 2 mètres 1/2 tous les ans. Autant qu’il est possible d’en juger par les observations faites depuis la colonisation du pays, la dépression