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supérieure à ce qu’elle est chez nous. Qu’on ne s’y trompe pas, nous obéissons à un penchant fatal qui nous mènerait à confondre le faste et la grandeur, à dépenser en monumens inutiles les ressources qui seraient plus utilement consacrées au développement industriel du pays. Espérons que sur cette pente dangereuse nous saurons nous arrêter à temps, et que nos administrateurs finiront par comprendre que les monumens les plus stables, ceux qui durent éternellement dans la mémoire des hommes, ne sont pas les monumens de pierre, mais les bonnes lois, et qu’elles seules transmettent à travers les âges les noms bénis de ceux qui les ont faites.


J. CLAVÉ.


REVUE DRAMATIQUE.

LE SECOND MOUVEMENT. — LES VIEUX GARÇONS.


La comédie bourgeoise sous une de ses formes les plus aimables, celle qui s’efforce de concilier la peinture réaliste avec le noble langage de la poésie, vient d’obtenir un nouveau succès avec le Second Mouvement de M. Pailleron. L’auteur du Mur mitoyen et du Dernier quartier apporte à ce genre, d’une si difficile acclimatation sur la scène, l’appoint de certains procédés satiriques à la fois très vifs et très précis, et si jamais le vers pouvait être, de l’aveu des muses, le langage naturel des avocats et des hommes d’affaires, la plume svelte de M. Pailleron aurait presque naturalisé cet aubain de haut lignage parmi le monde prosaïque du négoce et de la chicane. Sans insister sur ce point, voyons quelle idée préside au Second Mouvement.

Ce n’est pas seulement dans son être physique que le cœur de l’homme est soumis à un mouvement double et alternatif de dilatation et de contraction; il a aussi ses systoles morales, qui sont l’essor, le jet en avant de tous nos instincts de générosité, de reconnaissance et de sympathie. Ce flot nourrissant qui se précipite au premier moment apporte et verse avec lui les bienfaits et les dévouemens, la fécondité et la vie; mais ce n’est là qu’une ondée. Bientôt la valvule du cœur se referme et arrête l’écoulement de la source pure; c’est le retour des pensées étroites et égoïstes, c’est le repentir du bien accompli à la légère et comme le remords de la vertu irréfléchie qui jure qu’on ne l’y prendra plus, et qui rallie du dehors, pour les refouler au fond de l’âme, les premières effluves de bonté et d’abnégation. Tel est le cas des époux Renaud, fabricans de draps en la ville normande de Louviers. Ils ont recueilli chez eux avec la plus large hospitalité la fille de leur bienfaiteur, le chimiste Valin. Ils ont