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gauche, tantôt complètement pliées, tantôt soudées entre elles, comme si un poids énorme s’était abattu sur la tête de l’arbre et l’avait aplati. Ses racines, chose singulière, présentent la même disposition que les branches. Il vit très longtemps, bien qu’il n’atteigne jamais plus de 10 mètres de haut, et M. Pissot, le conservateur du bois de Boulogne, qui a fait venir cet échantillon, prétend avoir vu un de ces arbres qui est désigné dans un titre du XIVe siècle comme ayant servi à cette époque de limite de coupe dans la forêt de Verzy. Quoique âgé de plus de cinq cents ans, il n’a que 2m 50 de tour.

Le bois de Boulogne n’est pas absolument improductif, mais les revenus qu’il fournit sont loin de suffire à son entretien[1]. Il possède en effet une administration tout entière, qui ne comprend pas moins de quatre services différens placés tous sous la direction supérieure d’un ingénieur en chef des ponts et chaussées. Ce sont le service des routes et des eaux, celui du jardinage et des plantations d’agrément, celui de l’architecture et celui de la surveillance et de l’entretien du bois. Grâce à cette puissante organisation, les routes sont très régulièrement balayées et arrosées pendant l’été à partir de midi; mais ne pourrait-on pas arriver au même résultat sans un pareil luxe d’employés? On eût compris ce déploiement de la force publique il y a quelque vingt ans, alors que le peuple, livré à ses instincts brutaux, cherchait dans les plaisirs grossiers l’oubli de ses misères; mais aujourd’hui que, grâce à Dieu, il n’en est plus ainsi, aujourd’hui que le peuple sait jouir de la campagne et apprécier ce qu’on a fait pour la lui rendre aimable, ne pourrait-on se relâcher de cette surveillance? On diminuerait ainsi les dépenses considérables dont les plantations de Paris sont l’occasion. L’entretien de ces plantations figurait sur le budget de 1864 de la ville de Paris pour une somme de 2,697,000 fr., pour celle de 2,886,000 fr. sur le budget de 1865, non compris 500,000 fr. portés au budget des dépenses extraordinaires. Les sommes ainsi employées depuis douze ans doivent former un total assez respectable. Aussi comprend-on à quelques égards les objections de ceux qui se placent, pour apprécier les dépenses qu’entraînent les embellissemens de Paris, au point de vue de l’intérêt général. Un député de l’opposition, dans l’une des dernières séances du corps législatif, a fait observer avec raison que pour estimer ce qu’a coûté la transformation de Paris, il faut faire entrer en ligne de compte, non-seulement les dépenses ordonnées par la ville ou le gouvernement, mais encore celles qui ont été faites par les particuliers, et qui, comme les premières, ont été prélevées sur le capital disponible du pays et enlevées par conséquent à la production nationale. Il en a évalué le chiffre à 6 milliards. Cette somme a servi à payer la main-d’œuvre et les matériaux employés à

  1. Ces revenus ne consistent pas dans la vente des bois, car on n’exploite que les arbres morts, qui suffisent à peine au chauffage des employés, mais dans les locations et concessions diverses : cafés et restaurans, hippodrome, glacière, chaises, barques, etc.