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On ne peut cependant s’empêcher de reconnaître que, sous le rapport du goût, l’ornementation du bois laisse à désirer. C’est avec raison sans doute qu’on a transformé ce bois en jardin anglais; mais c’est une faute d’y avoir accumulé tant de chalets, de rochers et d’ornemens divers, et surtout d’avoir construit cette cascade dont rien dans ce qui l’entoure ne justifie la présence. Dans certaines parties du bois heureusement, les lacs et les ruisseaux ne trahissent pas trop leur origine artificielle, et l’on a pu les créer sans violenter la nature. Il a suffi de bétonner le fond du lac inférieur, dont le sol était trop perméable; partout ailleurs, l’argile qu’on rencontre à peu de profondeur empêche naturellement les infiltrations. L’eau était à l’origine amenée dans le lac supérieur de la pompe à feu de Chaillot, et de là s’écoulait dans la rivière et les divers ruisseaux. Plus tard, lorsqu’on construisit la cascade, ce moyen d’alimentation étant devenu insuffisant, on dut faire une prise d’eau dans le canal de l’Ourcq. Enfin, depuis l’achèvement du puits de Passy, c’est à lui qu’on a recours pour alimenter tous les lacs, rivières et ruisseaux. De chacune des conduites principales partent dans tous les sens des conduites secondaires, munies de nombreuses ouvertures, et destinées à l’arrosement des routes et des pelouses. L’eau, venant d’un point plus élevé que la surface du bois, exerce une pression qui suffit pour produire un jet considérable, sans autre travail que l’adaptation d’un tube irrigateur et l’ouverture d’un robinet. Tout le sous-sol est sillonné ainsi de conduites qui amènent l’eau sur tous les points du bois, mieux partagé sous ce rapport que la ville de Paris, où l’arrosement se fait encore au moyen de tonneaux incommodes qui encombrent la voie publique et éclaboussent les passans.

Nous avons dit que, lors de la création du bois en 1816, on avait surtout employé le chêne et le bouleau. C’était une faute au point de vue sylvicole aussi bien qu’au point de vue pittoresque, car les essences à feuillage léger, quand elles sont à l’état pur, ont un aspect triste et monotone, et ne végètent jamais aussi bien que quand elles sont mélangées d’arbres à couvert plus épais et plus touffu. On a depuis lors cherché à remédier à cet inconvénient. Outre les abords de l’avenue de l’Impératrice, qui ont été plantés d’arbres résineux de toute espèce, tels qu’araucarias, séquoias, plus noirs, sapinettes bleues, etc., les îles ont été peuplées d’arbres exotiques, et les anciennes routes repiquées en marronniers, tilleuls, sorbiers, vernis du Japon, et autres essences à croissance rapide. De plus, on laisse végéter sous l’étage principal des massifs des buissons d’épines, des broussailles, qui contribuent à ombrager le sol, tout en donnant à l’ensemble un aspect plus pittoresque.

Ainsi disposé, le bois de Boulogne est bien supérieur à ce que Londres possède de mieux en ce genre. Les parcs dont les Anglais sont si fiers ne sont le plus souvent que de vastes pelouses de gazon, couvertes de quelques chênes, hêtres, ormes ou marronniers, tantôt épars, tantôt en bou-