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recouvrir de bitume; mais on s’aperçut bientôt que la terre en se tassant devenait elle-même absolument imperméable. On imagina alors de la protéger par une grille de fonte mobile qui, pouvant s’enlever, permettrait de temps à autre d’ameublir le sol et de l’arroser; ce moyen fut lui-même bientôt reconnu insuffisant, et l’on dut recourir à des procédés plus énergiques encore. Au fond du trou creusé pour recevoir l’arbre, et autour de l’espace que doivent occuper les racines, on adapte bout à bout des tuyaux de drainage qui sont mis en communication avec l’air extérieur au moyen d’un tube vertical qui débouche sous la grille. Grâce à cette disposition, l’air s’introduit dans ces tuyaux, s’échappe à travers les joints et se répand autour des racines. On peut de la même manière y faire arriver l’eau nécessaire. Ce procédé, qui n’est encore qu’à l’essai, revient à environ 10 francs par arbre; il peut toutefois recevoir des applications diverses qui le rendront moins onéreux. Ainsi, au lieu d’entourer chaque arbre d’un système spécial de tuyaux, on s’est borné, au Cours-la-Reine, à en établir une seule rangée continue qui suit la ligne des arbres et débouche à l’air extérieur tous les cinquante mètres.

Après avoir pourvu les racines de l’air et de l’eau indispensables, il restait à les mettre à l’abri des émanations souterraines du gaz. Les conduites maîtresses sont placées sous les trottoirs des boulevards, et c’est de ces conduites que partent les branchemens qui amènent le gaz d’un côté dans les maisons, de l’autre dans les candélabres. Pour rendre les fuites moins funestes et empêcher le sol de s’imprégner de cette substance toxique, on a imaginé d’isoler par un mur la conduite maîtresse et d’entourer les branchemens secondaires de tuyaux de drainage débouchant sur la chaussée; mais c’est là une dépense considérable qu’on hésite à imposer à la compagnie du gaz tant qu’une fuite ne vient pas à se manifester.

Voilà ce qu’on a fait pour les racines; quant aux feuilles, on n’a pris encore, que je sache, aucune mesure pour les débarrasser de la poussière qui leur est si préjudiciable. Il semble pourtant qu’il serait facile et peu coûteux de les arroser tous les soirs, pendant les chaleurs, au moyen de pompes à incendie. C’est un essai à tenter. Dès qu’un arbre paraît souffrant, on s’empresse de le médicamenter de toute façon pour lui rendre la santé. On racle l’écorce, si l’on a lieu d’y soupçonner la présence d’un insecte parasite; on l’entoure de paille et de toile, si l’on craint l’action du froid; on humecte la tige au moyen d’un entonnoir de fer-blanc placé à la partie supérieure, si la sécheresse est à redouter. En un mot, tout est mis en œuvre pour empêcher ces pauvres arbres de mourir; on y réussit quelquefois, sans pour cela les faire vivre, car ce n’est pas vivre que de traîner pendant quelques années une chétive existence.

Dans l’origine, on avait voulu adopter pour chaque section de rue ou de boulevard une essence particulière: c’eût été fort joli sans doute, et il eût suffi d’un coup d’œil sur les arbres pour reconnaître le quartier et trouver