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dans ses efforts pour restaurer le crédit espagnol. Il a pour adversaires dans cette tâche ses prédécesseurs, qui exploitent à Tenvi un sentiment d’amour-propre national étrangement placé. On aura une idée de la façon dont certains hommes d’état espagnols entendent la bonne foi en matière financière par une brochure de M. Bravo Murillo, sur les anciennes dettes en souffrance, publiée il y a peu de temps. M. Bravo Murillo est un jurisconsulte éminent, il a été ministre des finances et président du conseil. C’est lui qui en 1851 arrêta le règlement des anciennes banqueroutes espagnoles, règlement dont, après quatorze ans, des créanciers anglais et français réclament encore en vain l’exécution. M. Bravo Murillo prétend que l’Espagne ne doit plus rien aux porteurs des dettes amortissables, parce que le principal des gages qui leur avait été assigné, ayant reçu une autre destination, a été transformé et n’existe plus. — Je vous avais hypothéqué une propriété, je l’ai vendue, elle ne m’appartient plus ; donc je ne vous dois plus rien. — Voilà le raisonnement avec lequel M. Bravo Murillo entend que l’Espagne paie une catégorie de ses créanciers. Ce n’est certainement point en mettant en pratique cette logique picaresque que l’Espagne trouvera de nouveaux prêteurs.

Des bruits de paix nous arrivent de nouveau des États-Unis. Deux amis intimes de M. Lincoln, MM. Blair, le père et le fils, ont fait un récent voyage à Richmond, et paraissent avoir trouvé M. Jefferson Davis ébranlé dans ses résolutions guerrières. Au surplus les chances de la guerre continuent à être défavorables aux confédérés. Leur dernier port, Wilmington, est fermé par la prise du fort Fisher, qui en domine l’approche. Ce fort, que le général Butler déclarait imprenable, a été emporté d’assaut par un autre lieutenant, plus énergique et plus résolu, du général Grant. Sherman marche sur Charleston. Sa trouée dans la Géorgie a révélé dans cet état, le plus important de la confédération, l’existence d’un parti favorable au rétablissement de l’Union. La sécession est enveloppée de toutes parts, et la guerre qu’elle soutient ressemble à un siège immense. Cette grande erreur politique aura bientôt perdu le prestige de la force et de la victoire. La joie sera donc refusée aux ennemis que la démocratie rencontre en Europe d’assister à la destruction de la grande république américaine, destinée à servir de type et de modèle à la démocratie moderne.

La vie parlementaire va enfin recommencer à peu près en même temps en France et en Angleterre. C’est le 6 février que s’ouvrira le parlement britannique ; c’est le Ih que sera inaugurée la session française. Cette année étant la dernière de la législature anglaise, la session chez nos voisins sera probablement accidentée, et les divers partis y commenceront en face de l’opinion publique la brigue électorale. Chez nous, après les grands débats inévitables sur les questions italienne et romaine et sur la situation financière, qui trouveront leur place naturelle dans la discussion de l’adresse, un grand nombre de projets de loi seront présentés au corps légis-