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temps une faculté merveilleuse ; ils ont l’air de dormir, ils dorment même solidement, et ils se réveillent, comme la belle au bois dormant, sans avoir rien perdu de leur jeunesse. Nous retrouvons la chambre prussienne comme nous l’avons laissée, et nous nous figurons que le jour où la France couronnera son édifice, on la retrouvera aussi libérale qu’il y a vingt ans, et qu’il n’y aura de vieux, de laid et de décrépit parmi nous que les absolutistes. Cette calme et obstinée résolution de la chambre prussienne nous paraît préférable à des élans enthousiastes et à des mouvemens exagérés qui seraient suivis de profonds découragemens et de longues prostrations. La chambre populaire de Prusse et les institutions parlementaires de ce pays gagneront lentement, mais infailliblement du terrain, et le terrain gagné, elles ne le reperdront plus. Dans sa politique étrangère, M. de Bismark a l’air de suivre le même système que ses adversaires du parlement ; lenteur et persévérance. Son occupation actuelle est de tenter l’Autriche pour l’amener à consentir à l’annexion des duchés à la Prusse ; il exerce cette tentation sans se presser, évitant de répondre aux questions, d’ailleurs réservées, de l’Autriche, ou n’y répondant que le plus tard possible, amusant et allongeant la négociation par le voyage à Vienne du prince héros de Düppel. Avec tout cela, on gagne du temps, et avec le temps la bonne occasion peut se présenter. Nous ne savons la contenance que font la France et l’Angleterre devant ces manèges de M. de Bismark ; mais rien ne nous donne le droit de supposer que cette contenance soit fière.

En Espagne, il faut convenir que le cabinet du général Narvaez travaille avec quelque application et avec une certaine résolution à réparer les fautes commises par les ministères qui l’ont précédé et surtout par celui du maréchal O’Donnell. Il a fallu au duc de Valence la force de Caractère qu’on lui connaît pour abandonner l’absurde et ruineuse entreprise de Saint-Domingue. Cette folie aura coûté à l’Espagne non-seulement la perte de malheureux soldats, mais le gaspillage de 75 millions de francs. Ce ne sont point les rodomontades que le duc de Tetuan débite devant le sénat espagnol qui combleront le déficit causé par ces ingrates dépenses. Le ministre des finances du duc de Tetuan, le célèbre M. Salaverria, a laissé au ministre chargé aujourd’hui de ce département une tâche bien pénible ! M. Barzanallana n’a pas à faire un bel emploi de ses lumières financières ; il imite le procédé qui paraît être cette année à la mode parmi les états besogneux, et qui consiste à frapper les contribuables d’un emprunt forcé sous la forme d’une avance d’impôt. Peut-être M. Barzanallana eût-il agi plus sagement, si, réglant avec décision et promptitude les réclamations des anciens créanciers de l’Espagne, il se fût mis en mesure de recourir avec efficacité au crédit. Il eût trouvé, après la liquidation des vieilles dettes, de grandes facilités de crédit en France et en Angleterre, et eût pu donner une force réelle et durable au cabinet dont il fait partie. Nous ne nous dissimulons pas les difficultés que ce ministre rencontre