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de méprises, de contre-temps, que personne n’a sans doute regrettés avec plus de sincérité que M. Minglietti et ses collègues. Ce cabinet croyait avoir, par la convention du 15 septembre, fait faire un pas décisif à la question italienne ; il croyait avoir rendu un grand service à son pays, et il s’est trouvé qu’on a rejeté sur lui le sang versé à Turin, et qu’il a perdu le pouvoir dans une émeute. La vraie générosité politique serait de pardonner à des hommes qui ont été les serviteurs utiles du pays la part involontaire qu’ils ont pu avoir dans un malheur que tout le monde déplore. Nous reconnaissons néanmoins qu’on eût dû saisir l’occasion du vote de l’amendement de M. Ricasoli pour donner quelque satisfaction morale aux sentimens de la population turinoise. Personne n’eût pu le faire, ce semble, avec plus de dignité et d’à-propos que MM. Minghetti et Peruzzi. Ces anciens ministres n’auraient point eu à entrer dans une justification dont l’amendement Ricasoli les dispensait ; mais, venant de leur part, quelques paroles émues, sans aller jusqu’à l’aveu de fautes commises, empreintes seulement d’une douleur franche et sympathique à celle que Turin a ressentie, eussent pu exciter chez la population de l’ancienne capitale une généreuse pensée de conciliation et d’oubli. Nous regrettons que cette occasion ait été négligée, nous le regrettons d’autant plus au spectacle de l’agitation qui depuis quelques jours s’est de nouveau emparée de Turin. Nous ne doutons point cependant que cette agitation, qui en se prolongeant deviendrait contraire aux intérêts nationaux, ne fasse bientôt place au calme et à une résignation courageuse. Que les Piémontais se rassurent : l’Italie aura toujours besoin de leurs mérites, de leurs aptitudes, de leur tenace énergie, et nous sommes convaincus que leur ascendant ne sera jamais mieux assuré dans la direction des affaires italiennes que le jour où, la capitale étant transférée, les injustes jalousies municipales auxquelles ils ont été exposés n’auront plus de prétexte.

L’ouverture des chambres prussiennes attire de nouveau sur Berlin l’attention du public européen. La Prusse a en ce moment une rare bonne fortune : ses deux politiques, celle du dedans et celle du dehors, présentent un égal caractère dramatique. Au dedans, comment finira le conflit constitutionnel ? au dehors, comment la cour de Berlin parviendra-t-elle à garder les duchés ? Voilà la double intrigue dont l’Europe peut suivre le développement avec la même curiosité. L’attitude de la seconde chambre prussienne, hâtons-nous de le reconnaître, est d’un excellent exemple. La chambre est revenue avec son ferme esprit constitutionnel ; elle ne s’est point laissée étourdir par la gloriole militaire de Düppel ; elle maintient son droit au vote du budget, tout comme si l’armée royale n’eût point attaché dans l’intervalle des deux sessions un laurier tout frais au drapeau national. Cette persévérance, si bien manifestée dans le discours du président de la chambre, M. de Grabow, a reçu les applaudissemens de tout ce qu’il y a en Europe d’esprits libéraux. Les peuples européens ont de notre