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droit d’exercer qu’un nombre très restreint de métiers ; ils n’exerceront la médecine que dans l’intérieur du ghetto ; l’accès aux professions libérales leur est interdit. Le droit de tester est pour eux soumis à un grand nombre de restrictions ; leur témoignage n’est admis dans les causes civiles que sous une foule de réserves. On sait à quelles avanies est soumise leur foi religieuse et le droit que l’autorité ecclésiastique s’arroge de leur enlever leurs enfans pour les baptiser : ils sont tenus de payer l’entretien des catéchumènes que l’on recrute parmi eux. Au moment où l’un de ces catéchumènes reçoit le baptême, son père est forcé de déposer son bilan et de remettre la part d’héritage du nouveau catholique, comme si la conversion ou l’apostasie de son enfant le frappait d’une mort anticipée. Le Juif romain qui n’est point moralement enchaîné au ghetto par les liens de famille, par l’ùge, par l’amour du sol natal, le jeune homme qui aspire aux professions libérales et à la dignité d’une existence émancipée, ne peuvent échapper à cette destinée qu’en s’évadant par les montagnes comme des malfaiteurs ou des contrebandiers. Ainsi il n’y a parmi les Romains qu’un culte différent de la religion catholique, le culte Israélite, et voilà le traitement que les Juifs reçoivent ! Ils ne sont pas seulement outragés dans leur foi, blessés cruellement dans ce que le sentiment religieux a de plus cher et de plus sacré ; ils sont chargés des plus pénibles et des plus humiliantes entraves dans tous les actes de la société civile. Nous supplions M. Dupanloup de nous démentir, si ce que nous avançons n’est point exact. M. Dupanloup ne nous démentira point, et alors nous lui demandons si la tolérance du gouvernement pontifical à l’égard des Juifs n’est pas la pire des oppressions, et s’il croit que son commentaire sur l’encyclique n’est point cruellement et surabondamment réfuté par ce commentaire vivant de l’arrêt du syllabus contre la tolérance.

On est forcé en Europe, où malheureusement les intérêts d’église sont encore si étroitement mêlés aux intérêts politiques, de prendre à cœur les questions de religion et de politique soulevées par l’encyclique pontificale et violemment entretenues par la controverse catholique. Il n’en est point ainsi en Amérique, où les questions d’église ont reçu depuis longtemps la solution demandée par l’esprit moderne. Aussi lisons-nous avec envie dans un journal des États-Unis, dans la Tribune de New-York, le jugement calme et impartial porté par un écrivain américain sur le manifeste de la cour de Rome. « Les citoyens catholiques des États-Unis sont mis en demeure de choisir entre les doctrines exprimées par la déclaration d’indépendance, fondement de notre constitution et base de notre système politique et social, et les doctrines que le pape vient de promulguer avec son autorité pontificale. Nous ne mettons pas un seul instant en doute le résultat. Nous croyons que le catholicisme romain, toléré légalement chez nous comme toute autre religion, est compatible avec l’esprit civique et patriotique. Nous n’avons qu’à regretter que le chef de l’église catholique ait jugé op-