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dix-sept années, compris entre 1817 et 1834, le sol de Valparaiso s’est élevé de 3m20, soit environ de 19 centimètres par an. Ce mouvement très rapide avait été précédé d’un repos relatif, car de 1614 à 1817, pendant plus de deux siècles, l’élévation de la plage, telle qu’elle est démontrée par l’examen des lieux, n’a certainement pas dépassé 1m 80. À Coquimbo, à la Concepcion, dans l’île de Chiloe, l’émergement des rivages s’est opéré plus lentement encore ; mais, si imperceptible que soit le phénomène, il ne s’en produit pas moins pendant le cours des âges, et finit par changer d’une manière complète l’aspect des côtes américaines. Plusieurs anciens ports jadis fréquentés sont inaccessibles aujourd’hui ; d’autres se sont formés grâce à l’assèchement de pointes protectrices ; des îles nombreuses, toujours désignées par le nom indien de huapi, sont devenues des promontoires.

Les témoignages d’un soulèvement graduel sont également visibles sur les côtes de la Bolivie et du Pérou. Dans la zone occidentale du désert d’Atacama, le sol, couvert de coquilles et d’efflorescences salines, semble avoir été abandonné d’hier par l’océan. Au-dessus de Cobija, d’Iquique, de plusieurs autres villes du littoral, se profilent des degrés pareils à ceux de Coquimbo, et qui étaient, comme eux, baignés naguère par le Pacifique. Devant Arica, la mer a reculé de 150 mètres dans l’espace de quarante ans, et les négocians du port ont dû en conséquence faire prolonger d’autant le débarcadère ; mais c’est en face de Callao, sur l’une des falaises de l’île San-Lorenzo, que l’on a recueilli la preuve la plus intéressante de l’élévation du littoral pendant la période humaine. À 26 mètres de hauteur au-dessus de la mer, M, Darwin a découvert dans une couche de coquillages modernes déposés sur une terrasse des racines d’algues, des ossemens d’oiseaux, des épis de maïs, des roseaux tressés, enfin une ficelle de coton presque entièrement décomposée. Ces débris de l’industrie humaine ressemblent d’une manière parfaite à ceux qui se trouvent dans les huacas ou nécropoles des anciens Péruviens. Il n’est pas douteux que l’île de San-Lorenzo et probablement tout le littoral voisin se sont élevés d’au moins 26 mètres depuis que l’homme rouge habite la contrée. Il paraît néanmoins que de nos jours le sol qui porte Callao s’affaisse de nouveau, car l’emplacement où se trouvait l’ancienne ville est maintenant en grande partie sous les eaux. Cette dépression n’est peut-être qu’un fait local, et n’affecte que pour un temps le mouvement général d’ascension du littoral, car plus au nord, à Colon, à Santa-Marta et sur un grand nombre de points de la côte néo-grenadine, le sol s’est élevé visiblement depuis que les Européens ont débarqué sur le continent. En admettant toutefois que Callao forme en effet la limite septentrionale de l’aire de soulèvement dont le centre