pelle Grétry moins la bonhomie, moins le cœur. Je crois y voir une de ces illustrations à la mode où M. Gustave Doré, du bout de son crayon sceptique, en se jouant, traduit Perrault, Ne plaisantons pas, l’auteur du Tableau parlant a du sang de Molière dans les veines. Son Cassandre, par son désespoir si réel, si humain, vous intéresse, vous émeut à travers les grotesques péripéties de l’aventure. Riez tant qu’il vous plaira lorsqu’il paraît voûté, caduc, ganache, avec sa souquenille, sa calotte et sa canne à corbin ; mais qu’il chante cet air sublime : « Pour tromper un pauvre vieillard, » et je vous jure qu’à moins d’être un imbécile, après avoir vu le personnage se redresser de la sorte, vous ne rirez plus, car ce Cassandre-là vaut un Arnolphe !
Des deux voies qui de tout temps se sont ouvertes devant lui, l’Opéra-Comique semble désormais préférer la plus large, celle qui de Méhul, de Stratonice, de Joseph, d’Euphrosine, va, par Médée et les Deux Journées de Cherubini, jusqu’au Zampa d’Hérold, à l’Haydée d’Auber, à l’Étoile du Nord de Meyerbeer. Si je ne craignais d’assembler deux mots qui hurlent de se rencontrer, je dirais que ce qui prédomine aujourd’hui, c’est l’opéra-comique sérieux. Avec M. Auber, nous aurons vu se clore la période aimable de l’opéra de conversation. Le drame a remplacé la comédie, et nous voilà revenus à ce que l’empereur appelait de son temps le genre tranché. Depuis que la maison de Molière et les autres scènes prétendues littéraires ont pris d’un commun accord ce glorieux parti de ne plus montrer au public que des caractères et des passions en habits noirs, tout ce joli monde bariolé de la fantaisie et de l’histoire, qui faisait si belle figure lorsqu’il y avait des poètes au théâtre, semble s’être réfugié dans la musique. Pour ma part, je ne m’en plains pas, fort au contraire; c’est même, selon moi, un des plus précieux dons de la musique, l’art émancipateur par excellence, de savoir à certains momens distraire nos esprits de cette éternelle histoire des lionnes pauvres et du mauvais notaire enrichi. Lara fut, il y a quelques mois, un retour au système décoratif et dramatique. Le Capitaine Henriot confirme aujourd’hui la tentative. Je doute pourtant qu’elle réussisse aussi bien cette fois. La pièce de M. Sardou en vaut une autre ; je ne lui reproche qu’un défaut, mais très grave dans la circonstance, celui de ne pas être à sa place. L’auteur des Pattes de mouches a l’air de croire que toute invention théâtrale, pourvu qu’elle offre quelque prise à l’intérêt, doit convenir à faire un opéra, comme s’il ne s’agissait que d’éparpiller d’une main distraite les duos et les morceaux d’ensemble sur le premier texte venu, pour qu’à l’instant même ce texte puisse passer indifféremment du Gymnase, du Vaudeville ou du Châtelet à la scène Favart. Il va sans dire qu’une pareille pratique nous ramènerait à l’enfance de l’art, et je m’étonne qu’un esprit aussi avisé ait de ces naïvetés qui vous reportent involontairement aux plus beaux jours de l’Amant jaloux et de la Jeune femme colère, alors que la musique ne figurait en quelque