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visible[1]. Comme un radeau graduellement submergé par les vagues, la Hollande s’enfoncerait lentement dans l’abîme, si les habitais du pays, acceptant la lutte contre les élémens, n’avaient muré leur territoire au moyen de digues et ne l’asséchaient par d’immenses travaux de drainage qui feront à jamais l’étonnement des hommes. Quelques savans, à la tête desquels se range l’éminent géologue Staring, pensent que la dépression graduelle des terres endiguées a pour seules causes le tassement du sol d’alluvion, le poids des digues surincombantes[2] et le passage incessant des hommes et du bétail. Quelle que soit l’importance de ces causes réunies, les phénomènes d’affaissement constatés depuis quinze siècles sont assez considérables pour qu’il soit permis d’accepter l’hypothèse de M. Élie de Beaumont sur la dépression du sol hollandais. Toutes les côtes voisines, celles de l’Angleterre méridionale aussi bien que celles du Hanovre et du Slesvig, offrent d’ailleurs en maints endroits, par leurs tourbières sous-marines, leurs forêts englouties et leurs tombeaux noyés, des preuves certaines d’un affaissement considérable. Sur les rivages occidentaux du Slesvig, la moindre dépression a été de 4 mètres pendant la période actuelle ; à Bornholm, elle a été d’environ 8 mètres d’après Forchhammer, et l’envahissement continuel des mers témoigne que la terre s’affaisse encore. La Poméranie, la Prusse orientale, semblent participer à ce mouvement, car sur plusieurs points de leurs rivages incessamment envahis on a découvert des forêts à plusieurs mètres de profondeur au-dessous du niveau de la mer. La Manche et les parages méridionaux de la Mer du Nord et de la Baltique peuvent donc être considérés comme un fossé de dépression, comme une longue vallée d’affaissement, séparant l’aire soulevée du nord de l’Europe et celle dont les côtes du Poitou marquent l’extrémité septentrionale.


III.

Le Nouveau-Monde, ce double continent dont l’architecture se distingue par des traits généraux d’une si grandiose simplicité, offre également une régularité remarquable dans le jeu de ses lentes oscillations. Celles-ci, bien plus faciles à étudier que les mouvemens des péninsules accidentées de l’Europe, sont aussi mieux connues, et depuis l’époque où l’illustre naturaliste Darwin a constaté, par

  1. Voyez une étude de M. Émile de Laveleye dans la Revue des Deux Mondes du 1er novembre 1862.
  2. Il semble au contraire qu’en pesant sur la masse plus ou moins élastique des polders, ces constructions devraient avoir pour effet d’exhausser la surface des terres environnantes.