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REVUE MUSICALE

L’OPÉRA-COMIQUE ET LES MAITRES FRANÇAIS.

Une pièce intéressante, des situations, des caractères, avec cela une musique vraie, dramatique, agréable, de bons chanteurs qui soient en même temps de bons comédiens, c’est ce que dès le principe a exigé le public français. — Que demandons-nous de plus aujourd’hui? Qu’exige de plus notre esthétique? Où sont les réformateurs? De ce que les compositeurs poussent davantage à l’accentuation, au pathétique, au tragique, au transcendantal, il ne s’ensuit peut-être pas que le public ait perdu le goût de ce genre aimable, contenu, qui, mêlant dans une égale mesure l’intérêt dramatique à l’intérêt musical, composait en somme un spectacle fort attrayant. Un bon opéra-comique n’est pas une course au clocher, mais bien une course à l’autel de deux amoureux à travers mille incidens que l’imagination du librettiste invente et multiplie à plaisir. L’anecdote, voilà son fait, sa raison d’être, et ce bien, il le prend où il le trouve, dans Saint-Simon, dans Duclos, chez tous les chroniqueurs et nouvellistes, jusque dans la gazette du matin, à laquelle il empruntera ses racontages pour les travestir à l’italienne, à l’espagnole, au besoin même à la chinoise, et leur donner bon gré, mal gré, les violons, comme on disait sous le grand roi. Du style, il s’en inquiète peu; de la moralité, moins encore. Vous verrez par exemple dans un des chefs-d’œuvre du genre, le Postillon de Lonjumeau, un drôle sans foi ni loi, un garnement de la pire espèce, qui pour prix de son ivrognerie, de son ingratitude et de ses lâchetés, trouve à la fin le parfait bonheur. En revanche, pour nous autres Français, qui au théâtre pensons volontiers, avec Montesquieu, que « la perfection des arts est de nous présenter les choses telles qu’elles nous fassent le plus de plaisir qu’il est possible, » cette contexture de dialogue et de morceaux de