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contravention et spécialement requis de procéder à une visite, ou deux fois par an, sans plainte ni réquisition préalable, mais seulement pour constater le nombre des métiers et des ouvriers, et deux jours après que le fabricant a été prévenu officiellement. Ces dispositions sont très restrictives. L’article 65 de la loi du 11 juin 1809 en explique clairement le but : « En aucun cas les prud’hommes ne pourront profiter de leur inspection pour exiger la communication des livres d’affaires et des procédés nouveaux de fabrication qu’on voudrait tenir secrets. » Aucun de ces intérêts ne serait compromis par le droit donné aux prud’hommes de visiter les apprentis, et de faire pour eux ce que le père ne peut pas ou ne sait pas faire. Rien ne s’opposerait à ce que le conseil prît, dans son sein ou hors de son sein, un ou plusieurs délégués, suivant les besoins, pour les charger de cet office. Ces délégués recevraient un traitement. Il est du reste regrettable et singulier que les prud’hommes n’en reçoivent pas. C’est la seule magistrature qui s’exerce gratuitement. A Lyon, les prud’hommes patrons et les prud’hommes ouvriers reçoivent des jetons de présence; on y ajoute, pour les ouvriers seulement, un traitement annuel, qui est de 1,000 francs pour les tisseurs, et de 500 francs pour les autres professions. Tout cela est mal conçu et irrégulier. Il faudrait un traitement fixé par la loi et égal pour tous les membres des conseils. S’il y a un lieu où l’égalité doive régner plutôt encore que partout ailleurs, c’est dans les conseils de prud’hommes; s’il y a une magistrature qui doive être salariée de préférence aux autres, c’est celle-là. Les prud’hommes patrons peuvent sans honte recevoir un traitement, comme les magistrats et les députés. C’est à cette condition seulement que les attributions de cette magistrature populaire pourront être étendues, et qu’on pourra leur demander d’exercer leur patronage sur les apprentis. Cela seul suffirait pour démontrer l’urgence d’une réforme d’ailleurs peu dispendieuse. La réglementation du travail des enfans n’est devenue effective en Angleterre que depuis l’établissement d’inspecteurs salariés. Qu’on prenne ces inspecteurs dans les conseils de prud’hommes, ce qui serait le mieux, ou qu’on les choisisse d’une autre manière, il est certain que, tant que nous n’en aurons pas, nos lois sur le travail des enfans et sur le contrat d’apprentissage ne seront qu’une lettre morte.

Une des plus grandes difficultés que la loi sur les contrats d’apprentissage rencontre dans l’application, c’est qu’on aboutit presque toujours, en cas d’inexécution, à des dommages-intérêts, et que personne ne peut les payer. Les petits patrons, qui sont de beaucoup les plus nombreux, sont aussi pauvres que leurs apprentis. On se dit de part et d’autre que, s’il y a une condamnation, elle ne