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LES
REVERIES BIBLIQUES
DE M. MICHELET

La Bible de l’humanité, par M. J. Michelet; 1 vol. in-12, 1864.

Vous êtes-vous jamais demandé, revenant par l’esprit à la révolution de la fin du dernier siècle, à ses retentissemens infinis, à cette multitude de révolutions individuelles qui en sont la suite obscure et inévitable, vous êtes-vous demandé ce que devint à un moment donné, dans la grande dispersion, tout ce peuple de moines subitement émancipés, jetés à l’improviste de l’ombre du cloître à l’air libre du monde? Si on connaissait et si on pouvait suivre leur destinée ainsi coupée en deux, ce serait sans doute un curieux chapitre d’analyse morale. La veille encore ils vivaient de leur vie close et réglée jusque dans ses plus menus détails, de cette vie qui recommençait tous les jours et tous les jours repassait par les mêmes sentiers. Quelques-uns étaient de savans hommes, de patiens chercheurs, d’un esprit très cultivé et très fin, qui fouillaient l’histoire, qui se passionnaient et s’égayaient dans l’étude. Pour les savans comme pour les simples d’esprit, l’horizon était fixe et invariable : il n’allait pas au-delà de la haute muraille, tout au plus du jardin de leur couvent, au-delà de l’intérêt de leur ordre ou de leur destination particulière, et, vivant de la vie claustrale, ils en gardaient les goûts, les mœurs, le pli ineffaçable. Les plus hardis d’un regard perçaient les grilles et pressentaient le monde extérieur sans le